Religion⚓
Église catholique
Un réformateur élu à la tête de l'Église d'Allemagne
Article publié par Pierre Avril dans Le Figaro, mercredi 4 mars 2020.
L'évêque du Limburg, Georg Bätzing, a été désigné, mardi, pour diriger la Conférence des évêques catholiques allemande.
« Je n'ai pas d'affinités avec la Curie. » C'est pratiquement une profession de foi qu'a délivrée, sitôt désigné, le nouveau chef de file de l'Église catholique allemande, Georg Bätzing. Ce dernier a été élu mardi, et pour six ans, président de la Conférence épiscopale, promettant la poursuite du bras de fer qui se joue depuis plusieurs mois entre Rome et l'Église d'Allemagne.
À 58 ans, l'évêque du Limburg remplace à ce poste le cardinal Reinhard Marx, qui en avait démissionné il y a trois semaines, accusant à 66 ans des signes de fatigue. C'est donc un homme du clergé réformateur qui succède à un autre réformateur, et ceci au moment où le pape François se voit reprocher de céder aux pressions des conservateurs, fermant la porte à l'ordination des hommes mariés.
Georg Bätzing avait lui-même remis en cause l'obligation du célibat. Depuis sa nomination en 2016, il avait remis de l'ordre dans le diocèse du Limburg, autrefois dirigé par Franz-Peter Tebartz-van Elst, surnommé « l'évêque bling bling » en raison des coûts faramineux engagés pour les travaux de rénovation de sa résidence. Surtout, il a vivement encouragé la démarche synodale entreprise par l'Église allemande, vue comme un moyen de regagner le cœur des fidèles en faisant notamment la lumière sur les abus sexuels qui avaient entaché sa réputation. Mardi, ses premiers mots furent consacrés à la dénonciation de ces « crimes terribles » .
Récemment convoquée à Francfort, la première assemblée du Synode allemand avait fait entendre les voix libérales de l'Église, émanant notamment des organisations féminines. Celui-ci avait associé à ses travaux le Comité central des catholiques allemands (ZdK), une organisation laïque, provoquant l'ire du Vatican. « Je suis convaincu qu'il existe une manière de mettre en pratique une nouvelle coopération entre les laïcs et les évêques... afin d'apporter l'Évangile dans toute l'étendue de la société » , a plaidé Georg Bätzing.
L'homme, qui se dit « peu versé » dans les affaires romaines et manifeste son ignorance de la langue italienne, envoie un message clair à la Curie : « Il y a des gros problèmes sur lesquels on travaille ici en Allemagne et que le monde de l'Église mérite d'entendre . » À Mayence, où se réunit depuis hier la Conférence épiscopale, près de 200 femmes ont manifesté pour réclamer plus de pouvoir au sein de l'Église. Avec un slogan phare : « Sans nous, les églises seraient vides. »
Libéral discret
La présidente de la Communauté des femmes catholiques allemandes, Mechthild Heil, a salué mardi l'élection de Georg Bätzing, un homme « réformateur et modeste » qui sera, dit-elle, l'un de nos « avocats » . La nomination d'une femme au poste de secrétaire de la Conférence épiscopale est évoquée - ce serait alors une première. Pour sa part, le chef du ZdK, Thomas Sternberg - critiqué à Rome - félicite un « homme du clergé avisé et tourné vers les gens » .
Ce libéral discret et réputé conciliateur devra néanmoins composer avec la frange conservatrice de l'Église allemande, menée par le cardinal Rainer Maria Woelki, archevêque de Cologne, dont les appels à l'orthodoxie du célibat ont été entendus.
« Il serait curieux que la Conférence des évêques ne reflète pas ce qui transparaît dans la société, avec des opinions disparates et divergentes » , a reconnu Georg Bätzing, nouveau porte-parole d'une institution attendue sur un sujet sensible : l'indemnisation à accorder aux victimes des prêtres pédophiles. En 2018, une étude commandée par l'Église allemande avait évalué à 3 677 le nombre de mineurs abusés sexuellement depuis 1946. La principale association de victimes réclame une indemnisation de 300 000 euros par personne ainsi que la création d'un fonds financé par l'Église.
Interrogé sur le sujet après son élection, l'évêque du Limburg est resté prudent. Tout en étant désireux d'envoyer un « signal » aux victimes, ce dernier a plaidé en faveur d'une solution « qui soit comprise dans le paysage de l'Église ainsi que dans le paysage social » en Allemagne.
...