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Articles sur le modèle allemand
Les sept plaies d'Allemagne
Article publié par Jean-Marc Vittori dans Les Echos, jeudi 5 mars 2020, 928 mots.
Derrière la langueur de l'économie allemande, il y a d'immenses défis structurels, de la démographie à la démondialisation en passant par le numérique. Le pouvoir politique saura-t-il les relever ?
L'Allemagne redevient-elle « l'homme malade de l'Europe » ? L'expression fut employée au tournant du siècle, quand la croissance du leader économique du continent était depuis des années inférieure de plus de 1 % à celle des autres pays qui allaient former avec elle la zone euro. Après un spectaculaire rétablissement, la production allemande a cependant progressé de plus de 2 % dans la première moitié des années 2010, alors que celle des autres pays de l'euro stagnait.
Las ! Elle recommence à patiner depuis 2018. L'an dernier, elle n'a progressé que de 0,6 %. Cette année, les experts ne cessent de revoir leurs prévisions à la baisse, et pas seulement pour cause de coronavirus. Ceux de la banque Barclays en sont à 0,3 % de croissance en 2020. La récession n'est plus très loin.
Vieillissement de la population
Au-delà des chocs ponctuels comme la baisse du niveau du Rhin ou les nouvelles normes automobiles antipollution, le pays doit relever sept défis structurels.
Le premier était visible depuis longtemps : c'est le vieillissement de la population. En Allemagne, la population en âge de travailler recule depuis dix ans. Près d'un habitant sur quatre a plus de 65 ans. Alors que la France compte à peu près autant de quinquagénaires que d'enfants de moins de 10 ans, l'Allemagne en recense 80 % de plus. L'afflux d'immigrants en 2015, qui a donné lieu à un remarquable effort d'insertion, ne change la donne qu'à la marge. De même que la légère remontée de la fécondité constatée ces deux dernières décennies.
Le deuxième défi est l'investissement. Car l'Allemagne investit moins que ses partenaires, dans le privé comme dans le public. La qualité des routes ne cesse de se dégrader, à en croire les dirigeants allemands interrogés pour le World Competitivness Report. Même si les robots sont plus nombreux dans les usines allemandes qu'ailleurs en Europe, l'investissement productif trop faible pèse sur la productivité. Des machines peu efficaces restent en service. Et selon les économistes de l'agence de notation Standard & Poor's, la dépense ne suffit même pas à remplacer les équipements envoyés à la casse. Du côté des entreprises, on pointe l'impôt sur les sociétés élevé (le plus fort d'Europe en 2021, quand la France aura abaissé son taux à 27,5 %) et les provisions à faire pour préserver les réserves des régimes de retraite.
Course au moteur propre
Le troisième défi porte sur l'industrie automobile, qui emploie directement ou indirectement près de 10 % des Allemands. Les géants allemands souffrent bien sûr du ralentissement du marché chinois et des inquiétudes sur le marché américain, leurs deux premiers débouchés. Ils sont surtout en retard dans la course au moteur propre, qu'ils ont longtemps méprisé. Les deux autres grands pôles de l'industrie allemande, les biens d'équipement et la chimie, sont aussi la traîne.
Le quatrième défi, qui touche l'automobile, comme tout le reste du pays et même du continent, est la révolution numérique qui se joue pour l'instant entre les géants américains et les mastodontes chinois du côté des plateformes numériques. Et du côté des fabricants de matériel, l'Asie est clairement en tête, comme le montre clairement l'emprise de Huawei sur la téléphonie 5G. Or tout devient numérique... y compris l'automobile.
Gros émetteur de CO2
Cinquième défi : la transition énergétique. Malgré la montée en puissance des énergies renouvelables, l'Allemagne reste de loin le plus gros émetteur de CO2 de l'Europe et ce n'est pas le seul reflet de sa prééminence économique. La fabrication d'un euro de PIB y émet pratiquement deux fois plus de gaz carbonique qu'en France (chiffres Agence internationale de l'énergie). Près de 30 % de l'électricité allemande vient encore de la combustion de charbon. La conversion va coûter cher, ce qui pourrait fragiliser encore plus l'industrie.
Le sixième défi est géographique. S'appuyant sur une tradition de commerce au long cours, l'Allemagne est sans doute, avec la Chine, le pays qui a le mieux exploité la mondialisation des années 1990 et 2000, ce que reflète son excédent courant (désormais de loin le plus élevé au monde). Mais les frontières se referment pour toute une série de raisons (politiques, sanitaires, écologiques, etc.).
Modèle politique fragilisé
Enfin, le septième défi est politique. Au plein-emploi, avec un surplus budgétaire massif et une dette publique à moins de 60 % du PIB, l'Allemagne a de vraies marges de manoeuvre pour réinventer son modèle économique. Son modèle social semble tenir, même si la montée des inégalités fait entendre des craquements. Son modèle politique, lui, semble fragilisé alors qu'il va devoir surmonter sa répugnance instinctive à se mêler d'économie. Le paysage des partis est éclaté. La coalition devient un exercice périlleux. Celle qui a été formée en Thuringe avec le parti libéral, la CDU et l'AfD d'extrême droite, fait sinistrement écho à un autre rapprochement dans la même Thuringe en 1930, qui permit au parti d'Hitler d'entrer pour la première fois dans le gouvernement d'un Land.
L'histoire montre que rien n'est écrit. Nombreux furent ceux qui crurent irrémédiable l'asthénie allemande des années 1990. Ils ont eu magnifiquement tort.
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L'Allemagne gagnée par la méfiance envers la Chine
Sous l'impulsion des milieux d'affaires, les principaux partis politiques allemands révisent leur doctrine vis-à-vis de Pékin
Article publié par Cécile Boutelet et Thomas Wieder dans Le Monde, lundi 14 septembre 2020.
Berlin correspondants - Jamais le patron du géant allemand Siemens n'avait tenu de tels propos à l'égard de la Chine. « Nous observons de près et avec inquiétude ce qui se passe en ce moment à Hongkong ainsi que dans la région du Xinjiang, a déclaré Joe Kaeser à l'hebdomadaire Die Zeit, jeudi 10 septembre. Nous condamnons catégoriquement toute forme d'oppression, de travail forcé et d'atteinte aux droits de l'homme. »
Venant du patron d'un groupe qui réalise un dixième de son chiffre d'affaires en Chine, pays où il est implanté depuis 1972 et où il compte aujourd'hui plus de 35 000 employés, une telle fermeté aurait été inimaginable il y a encore un an. « L'Allemagne doit veiller à bien faire la balance entre ses valeurs morales et ses intérêts », avait déclaré M. Kaeser, le 8 septembre 2019, après trois jours passés en Chine dans la délégation d'Angela Merkel. « Quand des emplois, en Allemagne, dépendent de la façon dont sont abordés des sujets délicats, il convient de ne pas renforcer l'indignation générale », avait-il alors affirmé en référence à l'inquiétude suscitée, en Europe, par le durcissement de la politique de Pékin vis-à-vis de Hongkong.
« Concurrent systémique »
Le changement de ton assumé par le patron de Siemens en dit long sur l'évolution de la perception que l'Allemagne notamment ses milieux économiques se fait de la Chine. Jusqu'à très récemment, celle-ci était essentiellement vue comme un partenaire indispensable à la croissance allemande. En 2018, les échanges commerciaux entre les deux pays s'élevaient à 200 milliards d'euros, deux fois plus que dix ans auparavant. En 2017, la Chine est devenue le premier partenaire commercial de l'Allemagne, devant la France et les Etats-Unis.
Cette image a été fortement remise en cause dans un rapport publié, en janvier 2019, par la puissante Fédération des industriels allemands (BDI). Pour la première fois, la Chine y était définie comme un « concurrent systémique », et non plus seulement comme un « partenaire . S'alarmant des défis posés par le modèle interventionniste chinois en termes de distorsion de marché et de limitation de la concurrence, le BDI prenait note de la stratégie industrielle et d'innovation très ambitieuse poursuivie par le pays, qui vise la domination technologique à travers, notamment, la création de « champions nationaux » issus de fusions géantes d'entreprises. La conviction qui prévalait jusqu'alors, selon laquelle la Chine se libéraliserait politiquement au fur et à mesure que ses échanges commerciaux avec l'étranger s'intensifieraient, était elle aussi battue en brèche.
« Ce rapport du BDI, qui reflétait les inquiétudes de l'industrie, a contribué à une prise de conscience dans l'opinion publique, explique l'eurodéputé Vert allemand Reinhard Bütikofer, président de la délégation pour les relations avec la Chine au Parlement européen. Jusque-là, l'idée dominante était celle d'une complémentarité profitable à l'Allemagne : d'un côté, celle-ci achetait à la Chine des biens fabriqués à bas coût et, de l'autre, elle lui vendait des produits à forte valeur ajoutée. On s'est mis à comprendre que c'était de moins en moins vrai, autrement dit que la Chine n'était plus un simple atelier, mais qu'elle était devenue un sérieux concurrent. »
A cause des certitudes qu'il ébranlait autant que des inquiétudes qu'il exprimait, ce document a profondément marqué les esprits. « Au départ, les milieux économiques étaient réticents à formuler des critiques [contre Pékin], de peur des représailles. Un an et demi après la publication de notre rapport, ils ont compris que c'est au contraire en disant ouvertement les choses qu'on est davantage respecté », affirme Patricia Schetelig, chargée des relations avec la Chine au sein du BDI.
Sur le front politique aussi, le débat a évolué. « Les récentes discussions sur le fait de savoir s'il faut autoriser ou non Huawei à participer au déploiement de la 5G en Allemagne auraient été inimaginables il y a quelques années », explique Reinhard Bütikofer. Fin novembre 2019, le sujet avait enflammé le congrès de l'Union chrétienne-démocrate (CDU), opposant les tenants d'une ligne souple, comme Mme Merkel, aux partisans d'une interdiction du géant chinois des télécommunications pour des questions de sécurité et de souveraineté, à l'instar du président de la commission des affaires étrangères du Bundestag, Norbert Röttgen.
A l'époque, le Parti social-démocrate (SPD) avait affiché une beaucoup plus grande unité dans sa volonté de faire barrage à Huawei. « De notre côté, nous avons pris acte du fait que la Chine n'est plus seulement un partenaire ou un concurrent, mais qu'elle est désormais avant tout un "rival systémique", comme l'a dit la Commission européenne [en mars 2019], explique Nils Schmid, porte-parole pour les questions de politique étrangère au sein du groupe SPD du Bundestag. Cette problématique est au coeur du document de onze pages que les parlementaires SPD ont publié, le 30 juin, pour jeter les bases d'une « politique sociale-démocrate vis-à-vis de la Chine, à la fois souveraine, fondée sur des règles et transparente .
« C'est la première fois que le SPD a éprouvé le besoin d'élaborer une vraie stratégie vis-à-vis de la Chine », confie Nils Schmid, qui explique que « deux causes profondes » sont à l'origine de cette réflexion : les nouveaux défis auxquels est confrontée l'économie allemande et l'évolution de la politique américaine à l'égard de Pékin. « Le débat très profond qui a lieu à Washington autour de la Chine depuis quelques années a des répercussions chez nous, poursuit le député. Face à la dégradation des rapports entre les Etats-Unis et la Chine, nous devons plus que jamais affirmer nos positions. Nous, c'est-à-dire l'Allemagne avec l'Europe, car l'Allemagne a maintenant compris là aussi, c'est nouveau que c'est au niveau européen qu'il faut maintenant définir une politique à l'égard de la Chine. »
« Vision démodée »
Pour le chercheur français Antoine Bondaz, spécialiste de l'Asie à la Fondation pour la recherche stratégique, les débats qui ont lieu ces temps-ci à Berlin n'ont pas leur équivalent à Paris. « Vu de France, on ne peut qu'être frappé par les discussions intenses que suscite la Chine au Bundestag et dans les partis politiques allemands. » L'une des raisons, selon lui, tient au poids des centres de recherche. A l'instar de l'Institut Mercator sur la Chine (Merics), un think tank fondé en 2013 et où travaillent plus d'une vingtaine d'experts. « A lui seul, le Merics compte plus de spécialistes de la Chine que les principaux think tanks français réunis », explique Antoine Bondaz, qui se dit « frappé par le contraste entre l'intensité des discussions sur la Chine en Allemagne et leur quasi-absence en France, où la Chine se heurte à une forme d'impensé .
Jusqu'à présent, ce bouillonnement du débat sur la Chine en Allemagne ne s'est toutefois pas traduit par une redéfinition en profondeur de la politique de Berlin vis-à-vis de Pékin. « Tant que Merkel sera là, le changement ne pourra être que limité, estime Nils Schmid, pour qui la chancelière allemande est prisonnière d'une « vision démodée » de la Chine, qui « envisage celle-ci avant tout sous le prisme du business . Une opinion que n'est pas loin de partager Reinhard Bütikofer. « L'Allemagne manque encore d'une ligne claire sur la Chine. On ne peut pas dire, le lundi, qu'il s'agit d'un rival systémique, et agir, les autres jours, comme si c'était un partenaire comme les autres », déplore l'eurodéputé écologiste allemand.
Dans un tel contexte, il n'est guère étonnant que le sommet vidéo prévu, lundi 14 septembre, entre le président chinois Xi Jinping, le président du Conseil européen, Charles Michel, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, et Angela Merkel, dont le pays assure la présidence du Conseil µde l'Union européenne, suscite peu d'attentes, notamment en raison des difficultés qu'a l'UE à finaliser avec la Chine un accord sur les investissements.
Pour le reste, certains espèrent malgré tout que la fin du quatrième mandat de Mme Merkel, à défaut d'initiatives d'envergure, permettra de clarifier certaines positions allemandes, sur Huawei par exemple, mais aussi de mettre davantage de pression sur Pékin s'agissant des droits de l'homme, notamment vis-à-vis des Ouïgours, pour lesquels l'Allemagne souhaite qu'un observateur indépendant des Nations unies puisse visiter les camps d'internement où nombre d'entre eux sont détenus.
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Industrie, pourquoi la France n'est pas l'Allemagne?
Article publié par Philippe Crevel sur le site lesfrançais.presse le 28 septembre 2020 à 10h20.
Depuis le début des années 2000, à la différence de l'Allemagne, la France enregistre d'importantes pertes de parts de marché à l'exportation et une diminution du poids de son industrie, au point qu'en vingt ans l'écart entre les deux pays est devenu conséquent. Avec la crise sanitaire en cours, la France est en situation de fragilité. Elle ne peut plus compter sur les recettes issues du tourisme pour effacer son déficit commercial qui, en outre, s'amplifie depuis le début de l'épidémie.
L'écart se creuse
La valeur ajoutée manufacturière de l'Allemagne est relativement stable. Elle est passée de 18 à 20% de 1998 à 2019 quand en France, elle, est passée de 12 à 9%. Sur la même période, les exportations allemandes se sont accrues de 160% quand celle de la France n'ont augmenté que de 90 %. Les capacités de production manufacturière de la France ont baissé de 10% depuis la crise de 2008 quand celles de l'Allemagne ont progressé de 20%.
Le déclin industriel de la France a été souvent mis sur le compte du poids excessif du coût du travail. Cet argument est en partie infondé, le coût unitaire étant en Allemagne supérieur à celui de la France. De même, le temps de travail n'est pas un facteur discriminant, les Allemands ayant une durée annuelle plus faible que les Français. L'effort d'investissement productif n'est pas non plus la bonne explication, ce dernier progressant plus vite en France qu'en Allemagne (respectivement + 85% et +75% entre 1999 et 2019). L'effort de Recherche & Développement est certes plus élevé en Allemagne qu'en France, mais l'écart est faible (respectivement 3,2% du PIB et 2,4% du PIB).
Des causes profondes
Parmi les facteurs mis souvent en avant figurent les prélèvements obligatoires, en particulier les impôts pesant sur la production. Dans les faits, les prélèvements plus élevés en France pèsent sur les salaires qui sont plus faibles qu'en Allemagne.
Le recul industriel de la France est avant tout dû à un mauvais positionnement de gamme, à la faiblesse des compétences de la population active et à la structuration du capitalisme. Ces facteurs interagissent les uns avec les autres.
Concernant les compétences de la population active, la France se place au 21e rang selon l'enquête PIAAC de l'OCDE loin derrière le Japon, la Finlande ou les Pays-Bas. L'Allemagne occupe la 14e place. Pour le niveau des élèves, la France se classait devant l'Allemagne jusqu'en 2003. Depuis, l'écart s'accroît en défaveur de la première.
Production bas de gamme moyenne
La France se caractérise par un nombre élevé de décrocheurs et de jeunes de moins de 30 ans sans emploi et sans formation : 16 % contre 9 % en Allemagne (source OCDE). En vingt ans, la proportion de jeunes en difficulté en France est restée constante quand elle a constamment baissé outre-rhin. La France compte deux fois plus d'emplois à faible qualification que l'Allemagne, signe de la forte tertiarisation du pays et du choix d'une production bas de gamme ou gamme moyenne.
Un problème de qualification et de manque de robots
L'importance des emplois à faible qualification est liée au faible niveau de formation et des mécanismes d'exonération de charges sociales qui n'incitent pas à la montée en gamme par la professionnalisation accrue du personnel. Ce choix d'une production recourant à des emplois à faible qualification se traduit également par un faible recours aux robots industriels. Le stock de robots pour 100 emplois manufacturiers est de 3 en Allemagne contre 1,6 en France. L'écart a fortement augmenté ces vingt dernières années. En 1998, les ratios respectifs étaient de 1 et de 0,5.
Les entreprises allemandes ont joué la spécialisation internationale tout en maintenant les centres d'assemblage dans leur pays. Elles importent, en moyenne, deux fois plus de biens intermédiaires que leurs homologues françaises avec des importations en provenance d'Europe de l'Est et d'Asie.
Les grandes entreprises françaises ont privilégié les délocalisations en Espagne, au Maroc, en Slovénie, en Roumanie ou en Turquie. Elles ont à chaque fois emmené leurs sous-traitants. La production automobile française a décliné très rapidement depuis le début du siècle avec en parallèle une montée des importations.
Faible ancrage territorial des grandes entreprises
En vingt ans le poids de la production française d'automobiles au sein de l'Union européenne a été divisé par deux passant de 14 à 7% au point que la France dégage pour ce secteur un déficit commercial.
Le choix des délocalisations est en partie liée à la structure du capitalisme français composé de grandes entreprises ayant un faible ancrage territorial. Une grande partie d'entre elles ont eu l'Etat comme actionnaires à un moment ou un autre de leur histoire. Les actionnaires d'origine ont bien souvent disparu. La gestion est par voie de conséquence plus technocratique et jacobine qu'en Allemagne où se pratique la participation associant les employeurs et les syndicats.
Outre-Rhin, les banques régionales jouent un rôle important dans le financement des entreprises et sont également des actionnaires actifs. Les liens entre les entreprises d'un même bassin d'emplois sont importants. A Stuttgart, les familles actionnaires de Porsche ou de Mercedes se retrouvent dans les conseils d'administration des sous-traitants.
En France, la constitution de champions nationaux souvent au nom de la défense de l'emploi s'avère contreproductive. Faute de concurrence au niveau local, les entreprises optent pour la facilité. En outre, en raison de leur taille, elles peuvent influer sur le comportement de l'Etat et faire accepter plus facilement des délocalisations.
Concurrence plus vive en Allemagne
En Allemagne, la concurrence apparaît plus vive. Par ailleurs, le caractère fédéral du pays est un atout pour le maintien d'un tissu économique dense réparti sur plusieurs grands pôles.
Pour redresser les parts de marché à l'exportation et mettre un terme à l'érosion de l'industrie de la France, l'amélioration de l'efficacité du système éducatif et des compétences de la population active semble nécessaire tout comme la modernisation des entreprises. Une augmentation de la concurrence en particulier au niveau financier serait souhaitable. Or la tendance est inverse. Les processus de concentration s'accélèrent en raison de la crise avec, par voie de conséquence, une attrition des bassins d'emploi.
https://lesfrancais.press/industrie-pourquoi-la-france-nest-pas-lallemagne/
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Vidéos sur le modèle allemand
Le modèle de croissance allemand à bout de souffle
Vidéo mise en ligne par Xerfi Canal le 02/12/2019 durée 04:44
A y regarder de plus près, il ne reste finalement plus grand choses de ce qui a fait la réussite de l'économie allemande. L'Allemagne est d'abord un pays où la main d'œuvres est devenue chère, même comparée à la France qui n'est pourtant pas considérée comme la référence en la matière. Le coût horaire dans l'industrie s'élève désormais à 40 euros outre-Rhin, c'est 6,4% de plus par rapport à la main d'œuvre française. C'est à front renversé avec la situation de 2008 où l'Allemagne avait un coût inférieur de 1,5%.
On le sait, l'enjeu de la compétitivité d'un territoire dépasse de loin l'enjeu de la compétitivité coût et hors coût des seuls secteurs exposés de l'industrie ce qui conduit à s'intéresser au coût des services notamment ceux qui entrent directement dans la chaîne de valeur des produits exportés. Dans les activités de soutien aux entreprises (intérim, activité de location et de location-bail, services de sécurité et de nettoyage pour l'essentiel), l'Allemagne conserve encore un net avantage avec des coûts inférieurs de 9,5% vis-à-vis de la France mais l'écart s'est considérablement réduit par rapport à 2008 où il était supérieur à 31%. Dans les services dits spécialisés (activités juridiques, comptables, audit, R&D, etc.), les deux pays se tiennent et la différence est devenue marginale, inférieure à 1% et si l'on devait faire une moyenne pondérée des différents coûts, il est évidement que l'Allemagne a là perdu son principal atout et le trait est encore plus prononcé vis-à-vis de l'Espagne où de l'Italie 2ème puissance industrielle européenne. Baisse des charges autours du SMIC, CICE côté français, modération salariale voire baisse des rémunérations dans les pays du Sud contre mise en place de salaires minimums de l'autre côté du Rhin, sont au cœur de ce spectaculaire renversement. A cela s'ajoute une économie de bazar qui a perdu de son efficacité au fur et à mesure de la convergence des coûts salariaux des PECO aux standards des pays plus riches. Non-seulement moins performante, l'Allemagne fait aussi face aujourd'hui au rétrécissement de ses débouchés extérieurs vers les émergents sur lesquels était fondée toute sa stratégie.
Loin des pics des années passées, la croissance mondiale se dérobe désormais petit à petit et que ce soient les pays avancés où émergents l'orientation des courbes est la même, elles piquent du nez. Moins de croissance c'est aussi moins d'échanges. La progression du commerce mondial est désormais proche de zéro et ce n'est pas simplement une histoire de conjoncture. La production industrielle mondiale migre en effet d'un modèle de segmentation des chaînes de valeur vers un « nearshoring », c'est-à-dire une relocalisation ou régionalisation des chaînes de production près des marchés de consommation. À cela s'ajoutent les difficultés des pays émergents à élargir et faire prospérer leur classe moyenne sur laquelle comptait les industriels allemands pour assurer leur prospérité. Enfin, il faut aussi invoquer le développement d'une offre locale qui vient directement concurrencer les pays avancés, l'Allemagne en premier chef.
L'Allemagne est aussi un pays où le coût du logement commence à sérieusement empiéter sur le revenu des ménages à tel point que plusieurs manifestations ont eu lieu à Berlin et dans d'autres villes au printemps 2019 contre « la folie des loyers ». A l'achat, les prix de l'immobilier se sont envolés de plus de 51% depuis 2008 c'est 39 points supérieurs environ à la moyenne de la zone euro, et comparables, à la virgule près, à la flambée parisienne, à cette grande différence que c'est sur l'ensemble du territoire. Les salaires, même en hausse, n'ont pas suivi. Or, le consensus social outre-Rhin, a longtemps été un troc entre modération salariale contre coût du logement contenu. Ce consensus est aujourd'hui caduc. Mais l'Allemagne c'est aussi aujourd'hui un système bancaire aux abois. L'agence de notation Moody's a ainsi abaissé la perspective des banques allemandes de « stable » à « négative », ses craintes portant sur la profitabilité et la solvabilité des établissements pour les douze à dix-huit prochains mois, dans un contexte de taux d'intérêt au plancher. Une prise de position qui arrive juste après l'alerte lancé par la banque centrale allemande qui juge le système bancaire « très vulnérable face à un ralentissement économique inattendu et une hausse brutale des primes de risque » L'Allemagne c'est aussi un pays qui a raté l'occasion de transformer la rente de ses réformes en infrastructures et en investissement d'avenir. Le pays passe ainsi à côté de son ambition d'être le leader de l'industrie 2.0 et de la transition écologique, la descente aux enfers de son secteur automobile en donne une parfaite illustration.
C'est enfin un pays dont le déficit démographique, masqué un temps par l'arrivée de réfugiés, ressort à nouveau. Bref, l'Allemagne c'est une économie dont le modèle de développement est totalement épuisé.
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Le modèle allemand va-t-il craquer ?
Vidéo mise en ligne par Xerfi Canal le 21/01/2019 durée 04:46
Immigration insuffisante, flambée de l'immobilier, montée des populismes et offensive chinoise en Europe centrale et Orientale, voilà les grands éléments capables de faire dérailler le modèle allemand.
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30 ans après : la chute... du modèle allemand ?
Vidéo de l'émission C dans l'air du 09.11.2019, durée 1:05:59
L'Allemagne célèbre aujourd'hui la chute du mur de Berlin. C'était il y a 30 ans... Le 9 novembre 1989, la frontière de béton, séparant la République fédérale d'Allemagne (RFA) et la République démocratique allemande (RDA), tombait définitivement et ouvrait la voie à la réunification après 28 ans de séparation. Des commémorations sont prévues tout au long de la journée, ce samedi 9 novembre, avec -pour point d'orgue- le discours d'Angela Merkel le long de l'ancien tracé du mur, à Berlin, aux côtés des dirigeants polonais, tchèque, slovaque et hongrois.
Cette prise de parole s'inscrit dans un contexte difficile pour la chancelière allemande qui, usée par le pouvoir et ses quatre mandats successifs, multiplie les revers électoraux. Le dernier en date : les élections régionales en Thuringe, le 27 octobre dernier, où le parti de Merkel (CDU) a été devancé par l'Afd (Alternative pour l'Allemagne), l'extrême droite allemande. Début septembre, ce parti enregistrait déjà de très bons scores aux élections régionales de Saxe et Brandebourg. Ce mouvement eurosceptique et anti migrants est en constante progression depuis 2013, notamment en Allemagne de l'Est. Il est aussi la conséquence de cette fracture évidente qui existe depuis la chute du mur, entre l'est et l'ouest du pays, et qui n'a toujours pas été résorbée. L'ex-RDA est encore aujourd'hui fortement marquée par le chômage de masse, les inégalités salariales ou encore la baisse démographique. Pour preuve, l'Est ne produit par habitant que les trois quarts des richesses de l'Ouest.
A l'heure où l'Allemagne célèbre un moment important de son histoire, tout n'est pas rose pour le pays qui enregistre aussi une faible croissance économique. Le gouvernement a dû en effet revoir à la baisse ses prévisions faisant du pays l'un des plus mauvais élèves européens avec l'Italie. Pour 2020, Berlin pronostique désormais seulement 1 % de croissance, au lieu de 1,5 % encore espéré au printemps dernier. Et l'industrie automobile en est le symbole : Bosch, le premier équipementier automobile entend supprimer plus de 2 000 emplois en Allemagne pour répondre au ralentissement conjoncturel et à la baisse en popularité des voitures diesel et essence.
30 ans après la chute du mur, que reste-t-il des engagements promis ? L'Allemagne est-elle à un tournant de son histoire économique ? La poussée de l'extrême droite dans les urnes peut-elle se poursuivre ?.
Invités :
• Michèle Weinachter, maitre de conférence, spécialiste de Allemagne à l'université de Cergy Pointoise
• Anaïs Voy-Gillis, politologue, Institut français de géopolitique (IFG), spécialiste de l'extrême droite et de la réindustrialisation
• Philippe Dessertine, professeur de finances
• Fabrice d'Almeida, historien
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Les racines de la puissance économique allemande
Vidéo mise en ligne par Xerfi Canal le 18/05/2018, duré 10:29
Xerfi Canal a reçu Jean-Marc Holz, Agrégé de géographie et docteur en Sciences économiques, dans le cadre de son livre "Les très riches heures de l'histoire économique allemande",
date de parution : 01/02/2018, éditeur : Presses Universitaires de Perpignan. Une interview menée par Thibault Lieurade.
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Faut-il imiter l'Allemagne pour faire baisser le chômage ?
Vidéo mise en ligne par Xerfi Canal le 23/05/2017, durée 05:09
C'est à partir de 2005 que bifurquent véritablement les trajectoires de l'emploi et du chômage entre France et Allemagne. L'Allemagne devient alors une véritable job machine. Pour en prendre la mesure, il suffit de comparer les trajectoires du taux de chômage. Ce dernier voisinait 8,5% en France alors qu'il culminait à 11,2% de l'autre côté du Rhin en 2005. En 2016, c'est en France qu'il dépasse 10%, tandis qu'il flirte avec les 4% en Allemagne. Et sur cette période, le taux d'emploi allemand va gagner plus de 9 points, tandis qu'il stagne en France. C'est cela qui est le plus saisissant.
Les lois Hartz, la réforme qui a tout changé
Derrière cela, il y a les réformes du marché du travail mises en place sous Schröder, les fameuses lois Hartz. Certes, la plupart des salariés en CDI restent "protégés" par la loi. Et même plus qu'en France. Mais ces réformes libéralisent le marché du travail, notamment pour les entreprises de moins de 10 salariés et pour les CDD. Elles favorisent le travail partiel et notamment les mini-jobs, aux salaires de 400 euros mensuels pour les salariés ou de 1 euro par heure pour les chômeurs de longue durée. Elles durcissent aussi considérablement les conditions d'indemnisation du chômage avec la loi "Hartz IV", avec une forte réduction de la durée d'indemnisation du chômage. Tout cela étant adossé à un renforcement des contrôles et à une obligation plus stricte d'accepter des propositions d'emploi.
L'impact de ces réformes reste encore débattu. Certains évoquent la baisse de la population en âge de travailler qui aurait facilité les choses. Regardons les chiffres. La population de 15-64 ans a décru au rythme de -0,3% l'an de 2005 à 2017, quand elle augmentait de 0,2 % l'an en France.
Pourtant ce demi-point d'écart est loin de tout expliquer. Car l'Allemagne n'en a pas moins créé beaucoup plus d'emplois que la France : 4,3 millions contre 1,3 million en France. Pour ramener à des taux de croissance annuelle, cela fait une moyenne de 0,9% l'an pour l'Allemagne et de 0,4% pour la France.
La moitié de la hausse de l'emploi recouvre du temps partiel
Alors, il y a bien sûr tous ces petits jobs, mini ou micro jobs de 1 à 400 euros encouragés par les lois Hartz. Mais il est très difficile d'établir leur vraie contribution, car beaucoup sont pratiqués en cumul d'une autre activité, ou en multi-activité. Ce qui est certain c'est que la moitié de la hausse de l'emploi sur la période recouvre de l'emploi à temps partiel. L'emploi a donc été morcelé. Comme en témoigne aussi le fait que le volume d'heures de travail progresse moins vite que l'emploi (0,6% l'an contre 0,9%).
Ce que l'on constate aussi, c'est la montée concomitante des travailleurs pauvres : 22,5% des salariés gagnent moins de 2/3 du salaire horaire médian en 2014 en Allemagne, contre 8,8% en France, avec un salaire médian assez proche de part et d'autre du Rhin. Et même après transfert, cette inclusion à marche forcée laisse des traces, puisque le taux de pauvreté est passé de 12,2% en 2005 à 16,7% en 2015, et que les inégalités se sont globalement creusées.
La success story allemande est indissociable de sa croissance
L'Allemagne a donc résolu son problème de chômage mais non celui de la dualisation du marché du travail. Comme en France, elle a opté pour une flexibilité à deux vitesses et l'a poussée plus loin.
Néanmoins, on ne peut ignorer un autre élément qui contribue à la success story controversée allemande. Sur la période, c'est surtout l'écart de croissance entre France et Allemagne qui fait la différence. De 2005 à 2016, la croissance allemande est de 1,5% l'an, contre 0,9% en moyenne en France, alors même que la population en âge de travailler régresse.
Si je ramène le PIB à cette population disponible pour travailler, je me rends compte alors que le différentiel est considérable. Le PIB rapporté à la population de 15-64 ans a crû au rythme de 1,7% en Allemagne, contre 0,7% en France. 1 point d'écart ! C'est considérable. La réussite allemande sur le front du chômage ne peut donc être dissociée de la restauration de sa compétitivité.
Alors gare à la mauvaise imitation de l'Allemagne. Ne prendre que Hartz, c'est le risque de fragiliser la cohésion et de dégrader l'emploi, sans garantie de restaurer notre compétitivité. Pour cela il faudra déployer beaucoup plus de moyens.
Olivier Passet, Faut-il imiter l'Allemagne pour faire baisser le chômage ?, une vidéo Xerfi Canal.
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Le match France-Allemagne : 15 ans PIB contre PIB
Vidéo mise en ligne par Xerfi Canal le 27/03/2014, duré 03:37
Rappelons-nous : de 1998, un an avant la naissance de l'euro, jusqu'à 2005, l'avantage était à la France qui caracolait en tête au rythme de 2,1% l'an. L'Allemagne, qui était rentrée surévaluée dans l'euro et payait les séquelles de la réunification piétinait à 1,1% l'an en moyenne. S'il fallait un symbole du fossé entre les deux économies, on peut jeter un œil nostalgique sur l'état de santé des champions automobiles. Au milieu des années 2000 Renault est au sommet de sa gloire. De l'autre côté du Rhin, Volkswagen est dans le rouge et s'engage dans un plan de restructuration musclé. C'est même toute l'Allemagne qui se lance dans les réformes structurelles. Tout y passe pour restaurer la compétitivité : réformes du marché du travail, de la protection sociale, de la fiscalité. Faute de pouvoir dévaluer, l'Allemagne invente la déflation des coûts. Le patronat allemand joue à fond les PECO pour bénéficier d'une main d'œuvre qualifiée à bon marché. Il fait coup double en imposant à l'intérieur la modération salariale. Les parts de marché seront gagnées d'abord au détriment de ses alliés. Et si les salaires baissent, si l'on met la consommation en panne, le solde extérieur fait un bond. Certes le déficit public dérape (il dépasse ou flirte avec les 4% du PIB de 2002 à 2004) mais Berlin obtient de Bruxelles un assouplissement du pacte de stabilité. L'Allemagne bénéficie alors de deux précieux coups de pouce supplémentaires. D'abord, le reste de l'Europe est en pleine phase ascendante et consomme à plein régime. C'est d'ailleurs le cas de la France, qui soutient sa demande intérieure jusqu'en 2008. Et puis, c'est aussi le décollage spectaculaire des pays émergents qui équipent leurs usines et veulent des voitures pour leurs classes moyennes. Les exportations prennent leur envol et la croissance se rapproche puis dépasse les 4% courant 2007. Mais 2008, c'est la fracture de la grande récession. La chute est sévère pour la France (-4,3% entre le 1er trimestre 2008 et le 1er trimestre 2009) mais c'est encore pire pour l'Allemagne (-6,8%) très liée à la demande mondiale. Son rebond sera spectaculaire, ce qui permet au PIB de dépasser très vite son dernier pic. La France a moins souffert, mais son redressement est plus chaotique. Certes, sur 15 ans, l'avantage reste indubitablement à la France... mais plus pour longtemps. Regardez bien les plateaux de restructuration de l'offre. De 2003 à 2006 l'Allemagne a fait sa grande purge, mais dans un contexte de soutien de la demande européenne. Aujourd'hui, c'est au tour de la France de subir la saignée. Mais le contexte et le rapport de forces sont bien différents. C'est toute l'Europe qui subit la purge, et l'Allemagne n'a pas du tout envie de lâcher sur ses salaires pour soulager l'effort de ses voisins. Une Allemagne aujourd'hui arcboutée sur le Pacte de stabilité qui étouffe la demande européenne à coups d'euro fort, de déflation salariale, et de cures d'amaigrissement public. L'Allemagne mène désormais sans conteste la course en tête, dans un monde occidental en pleine reprise, mais sans vouloir jouer la locomotive de la zone euro. Cette situation, et pas seulement les erreurs du passé, la France la paye au prix fort. Bien joué l'Allemagne.
Le Graphique, Le match France-Allemagne : 15 ans PIB contre PIB, une vidéo Xerfi Canal
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Autres vidéos sur l'Allemagne 2014-2020 ► https://www.xerficanal.com/rechercher/allemagne
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