Les Verts⚓
Die Grünen, le parti des écologistes allemands
Le nouveau visage des écologistes allemands
Moins dogmatiques que les Verts traditionnels, les Grünen sont les principaux bénéficiaires de la débâcle électorale d'Angela Merkel. Enquête.
De notre correspondante en Allemagne, Pascale Hugues Publié le 09/11/2018 à 09:00 | Le Point
Figures de proue. Annalena Baerbock et Robert Habeck, les deux dirigeants des Grünen, en Allemagne. « Les gens en ont assez de ces partis nombrilistes qui ne cessent de se chamailler au lieu d'apporter des réponses politiques aux problèmes », affirme la jeune femme, qui siège au Bundestag depuis 2013.
Résultats historiques, records battus... L'Allemagne n'a jamais été aussi verte. Pendant qu'Angela Merkel prépare sa sortie et que les sociaux-démocrates font des pieds et des mains pour freiner leur rapide agonie, on fait la fête chez les Grünen (Verts). Volée de confettis vert pomme, hurlements de triomphe : les mêmes scènes de liesse se répètent chaque soir d'élection. Depuis la catastrophe de Fukushima en 2011, le tableau de chasse électoral des Verts allemands n'a jamais été aussi bien garni. Dans la forteresse conservatrice bavaroise, ils arrivent en deuxième position, juste après la CSU (Union chrétienne-sociale en Bavière), maîtresse des lieux depuis des décennies. En Hesse, région qui fut longtemps la place forte des sociaux-démocrates, ils cartonnent quinze jours plus tard. Et les sondages confirment cette formidable percée au niveau national : 20 % des intentions de vote, peut-être même plus. Trente-cinq ans après sa naissance, tout semble réussir à ce petit parti. Les Grünen sont présents dans 14 des 16 Länder, sont partenaires dans 8 coalitions au niveau régional. Dans le riche Bade-Wurtemberg, ils ont imposé, en 2011, le premier ministre-président vert d'Allemagne. Avec ses cheveux en brosse et son franc-parler pragmatique, Winfried Kretschmann gouverne depuis 2016 main dans la main avec la CDU (Union chrétienne-démocrate). De plus en plus d'Allemands se mettent ouvertement à rêver aujourd'hui d'un chancelier ou d'une chancelière vert(e). Un scénario que tout le monde aurait qualifié de délirant il n'y a encore pas si longtemps.
Jamais-vu. Avec l'AfD (Alternative pour l'Allemagne), à l'autre extrême du spectre politique, le petit parti écologique est le grand bénéficiaire de l'érosion des deux poids lourds de la démocratie allemande, CDU/CSU d'un côté, SPD (Parti social-démocrate) de l'autre. Pendant que les coéquipiers de la GroKo, la grande coalition, s'entre-déchirent à Berlin, accumulant les échecs et les faux pas graves, les Verts incarnent l'alternative. Sur les bancs de l'opposition au Bundestag, ils offrent un refuge aux électeurs excédés. L'analyse du transfert des voix le montre clairement : 200 000 fidèles de la CDU et du SPD ont voté vert en Hesse. Et, en Bavière, 180 000 électeurs de la CSU se sont tournés vers les Verts. Du jamais-vu dans cette terre conservatrice. Quelle transgression pour ces électeurs, pour qui les Verts furent pendant longtemps, au mieux une bande de joyeux drilles, au pis une clique de dangereux idéologues. Mais de nombreux catholiques pratiquants jugent que la ligne dure défendue par la CSU sur la question des réfugiés n'est plus compatible avec leur foi et leur vision du monde. « Bien sûr, nous profitons de la faiblesse des autres, admet Annalena Baerbock, l'une des deux chefs de file des Verts. Les gens en ont assez de ces partis nombrilistes qui ne cessent de se chamailler au lieu d'apporter des réponses politiques aux problèmes. » La direction des Verts refuse néanmoins de réduire le succès du parti à la faiblesse des autres. Les Verts, affirme-t-on au QG du parti à Berlin, ne sont pas un simple « faute de mieux ». Les électeurs sont en quête d'une nouvelle boussole politique. Annalena Baerbock en est convaincue : « Tant de gens ont montré qu'ils préfèrent au populisme une politique qui cherche des solutions aux problèmes. Rassembler au lieu de diviser, opter pour une société ouverte sur le monde. »
Liesse. Robert Habeck, Ludwig Hartmann et Katharina Schulze célèbrent leur victoire à Munich, le 14 octobre. Les Grünen deviennent la deuxième force politique de Bavière.
Monty Python. En Allemagne, les Verts sont le parti le plus résolument pro-européen. Et il est fort à parier que, parmi les 240 000 personnes qui manifestaient contre le racisme il y a trois semaines à Berlin, il y avait une majorité d'électeurs verts. En descendant dans la rue, ils souhaitaient faire barrage au populisme de l'AfD et montrer l'autre visage – solidaire – du pays. C'est cet état d'esprit qu'incarnent les Verts. Pas la peur, mais la confiance en l'avenir. Pas le repli angoissé derrière ses frontières, mais l'ouverture confiante. Le ton, aussi, est différent. C'est la célèbre chanson du film « Monty Python : la vie de Brian », « Always Look on the Bright Side of Life » (« Regarde toujours la vie du bon côté »), que le QG des Verts a choisie comme musique d'attente téléphonique. Annalena Baerbock en est certaine : « On peut gagner une élection en faisant preuve de droiture » et « sans emboîter le pas à l'extrême droite ».
Les sondages sont unanimes. En tête du palmarès des anxiogènes arrive toujours la peur de la catastrophe environnementale, devant la situation économique, les effets de la mondialisation et les conflits internationaux. Les Allemands ont toujours été à l'avant-garde de l'écologie, mais la sécheresse, les terres agricoles menacées par l'implantation de nouvelles zones industrielles ou encore le scandale des manipulations des véhicules diesel ont décuplé cette prise de conscience. Sur la question des réfugiés qui polarise l'Allemagne, les Verts prônent une politique d'immigration contrôlée et l'intégration de ceux qui restent. Là où la CDU/CSU et le SPD louvoient, les Verts promettent une réponse claire. L'analyse des motifs du vote vert en Bavière montre bien ce qui séduit dans leur programme : 59 % des électeurs souhaitent une politique d'asile plus humaine ; 73 % estiment prioritaires les questions d'environnement.
Nouvelle star. Autre raison de ce succès spectaculaire : le renouvellement radical de la classe politique allemande. En janvier, un nouveau duo arrive à la tête du parti : Robert Habeck, 49 ans, et Annalena Baerbock, 37 ans. Le premier, ébouriffé, barbe d'un jour, est docteur en philosophie, éditeur, écrivain et père de quatre fils. La seconde est diplômée de sciences politiques en droit international. Vive et souriante, elle frappe par sa repartie sur les plateaux des talk-shows. Habeck et Baerbock n'appartiennent pas au casting politique classique qui occupe depuis des décennies le devant de la scène en Allemagne. Angela Merkel est au pouvoir depuis treize ans. Cela fait une éternité que Horst Seehofer hante les couloirs de la politique en Bavière et à Berlin. Ainsi, en à peine quelques mois, Robert Habeck est devenu la nouvelle star de son pays. Il se murmure même qu'il a l'étoffe d'un chancelier. Mais qu'on ne s'y trompe pas, sous ses allures d'intellectuel décontracté, ce Vert est un pro de la politique. En mai 2012, il a mené campagne lors des élections dans le Schleswig-Holstein et fut pendant six ans ministre de la Transition énergétique, de l'Environnement et de l'Agriculture de ce Land rural et conservateur du nord de l'Allemagne. De son côté, Annalena Baerbock a dirigé le groupe des Verts au Parlement de Brandebourg. Elle siège au Bundestag depuis 2013. Ce sont donc tout sauf des novices.
Jeunes, pragmatiques, confiants dans l'avenir, les deux chefs de file verts n'ont plus rien à voir avec les « Fundis » (les fondamentalistes), ces idéologues obtus qui, il n'y a pas si longtemps encore, donnaient du fil à retordre aux « Realos » (les réalistes), partisans d'une ligne plus souple. Il faut dire que les Verts ont bien changé depuis leur création en 1980. Les Grünen tentaient alors de se coaguler dans le bocal d'une nébuleuse composite. Militants antinucléaires, missionnaires de la bicyclette, pacifistes, tiers-mondistes, féministes, écologistes, groupuscules communistes... En 1983, les Verts font leur entrée au Bundestag et deviennent la quatrième force politique allemande. A l'époque, cela dérange. Aujourd'hui, terminés les chandails en grosse laine et les cheveux dans le cou. Fini le folklore baba cool et l'intransigeance morale. « Ce qui a changé, explique Daniel Cohn-Bendit, c'est que les Verts s'orientent aujourd'hui vers des solutions au lieu de s'enferrer dans des postures idéologiques. Ils ne sont plus le parti du doigt levé : on sait tout, on a réponse à tout. Il n'y a plus de grandes diatribes, aujourd'hui on discute de façon constructive. » Et l'ancien député européen de confier : « A vrai dire, ils sont plus agréables et plus sympathiques qu'avant. »
Alliance. Winfried Kretschmann, ministre-président écologiste du Bade-Wurtemberg et à la tête d'une coalition Verts-CDU depuis 2016, dans une voiture électrique du service postal Deutsche Post, le 29 avril.
Bobos. Les Verts se sont embourgeoisés. En 1985, la coalition SPD-Grünen amène Joschka Fischer au ministère de l'Environnement de la Hesse. A l'époque, l'homme prête serment en baskets. Aujourd'hui, l'ancien ministre des Affaires étrangères du gouvernement Schröder porte costume et chevalière. Ses légendaires chaussures sont désormais encadrées et suspendues au mur dans son bureau de consultant sur le Gendarmenmarkt, l'une des plus prestigieuses adresses de Berlin. Quant à Robert Habeck et Annalena Baerbock, ils attirent comme un aimant le milieu libéral de gauche. « Un parti de bobos, disent leurs détracteurs. Allez trouver un Vert dans les classes populaires de la Ruhr. Il faut avoir les moyens de voter pour eux. » Le profil de l'électeur vert confirme ce jugement : on le trouve davantage dans les grandes villes que dans les campagnes, plus chez les bobos bardés de diplômes universitaires que chez les ouvriers, davantage chez les femmes que chez les hommes, plus chez les jeunes que chez les personnes âgées... Un parti pour élites plutôt qu'un parti de masse. Les Verts ratissent au centre. Ils n'attirent pas les milieux populaires et ne séduisent pas l'électorat d'extrême droite. Les Verts sont aussi un parti de l'Ouest. Près de trente ans après l'unification, ils ont toujours du mal à prendre racine en ex-Allemagne de l'Est.Une chose est sûre : ils risquent d'être sollicités dans les mois à venir. Si la GroKo implose, avec ou sans nouvelles élections, les Verts seront appelés à régner. La coalition « Jamaïque » – CDU/CSU + Verts + FDP (le Pari libéral-démocrate) – serait alors une option remise sur le tapis. Les négociations avaient déjà avorté après les élections fédérales, il y a un an. Les libéraux avaient alors claqué la porte, arguant qu'il valait mieux ne pas gouverner que mal gouverner. Tout au long des tractations, les Verts – et les électeurs ne l'ont pas oublié – s'étaient montrés constructifs tandis que le FDP se débinait et que la CDU/CSU campait sur ses positions. Au sein des Länder, les Grünen prouvent d'ailleurs chaque jour qu'ils sont capables de gouverner au quotidien. Dans le Schleswig-Holstein, ils gouvernent avec la CDU et les libéraux. En Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le Land le plus peuplé, ils sont associés au SPD. Dans le Bade-Wurtemberg, région plutôt à droite, à la CDU. En Thuringe, Land davantage à gauche, au SPD et à Die Linke (« La Gauche »). Cette grande flexibilité est un avantage. Mais reste à savoir si, en devenant un parti important capable de ratisser large, les Verts sont en train de perdre leur âme. A force de mettre de l'eau dans leur vin pour convaincre le plus grand nombre et participer à des coalitions gouvernementales, ne risquent-ils pas de perdre ce qui fait justement leur spécificité ? La liberté de défendre une ligne politique non consensuelle et leur refus de devenir l'esclave des sondages. Impossible de prédire aujourd'hui si la bonne fortune des Verts sera durable.
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Et Macron attend l'arrivée des Verts en Allemagne...
LETTRE DE BRUXELLES. Le président a rencontré le binôme qui dirige les Verts allemands. Il attend beaucoup – trop ? – d'une recomposition politique en Allemagne.
Article publié par Emmanuel Berretta Modifié le 15/02/2020 à 11:49 - Publié le 15/02/2020 à 11:33 | Le Point.fr
Jamais le président Macron ne commentera la situation de la CDU, dont les déboires en Thuringe ont précipité la démission d'Annegret Kramp-Karrenbauer (AKK). Angela Merkel se voit ainsi privée de sa dauphine désignée... L'occasion d'un changement à la tête de l'Allemagne se présente dans une certaine mesure. Emmanuel Macron ne dit mot, mais suit les événements avec un grand intérêt. « Vivement que les Verts arrivent au pouvoir », souffle-t-on chez les macronistes du Parlement européen... En tout cas, le président français ne perd pas de temps et a profité d'un court séjour à Munich (vendredi 14 et samedi 15 février), à l'occasion de la Conférence sur la sécurité, pour dîner et faire la connaissance des deux co-présidents des Grünen, Annalena Baerbock et Robert Habeck...
Le dîner figure à l'agenda officiel du chef de l'État, ce qui ne peut échapper à la chancelière. Si des élections législatives anticipées devaient advenir outre-Rhin, la probabilité d'une coalition CDU-Verts est possible, à l'image de celle qui vient de se constituer en Autriche. Un scénario encore plus fou qui verrait un ou une chancelière verte prendre le pouvoir à Berlin n'est pas inenvisageable tant les sondages (*) situent la CDU-CSU (26 %) peu au-dessus des Verts (22 %). En juin 2019, un sondage Forsa avait donné les Verts en tête...
Merkel freine Macron sur « l'Europe puissance »
Ce n'est un secret pour personne, les relations entre Paris et Berlin sont davantage le fruit d'une nécessité que d'un parfait enthousiasme. La chancelière, lasse et peu encline à s'enthousiasmer pour les grands desseins européens de son homologue français, n'a plus beaucoup de marges politiques, et fait face à la montée d'un courant critique contre sa politique migratoire. Elle n'entend pas non plus casser la tirelire pour le futur budget européen, considérant que la hausse de la contribution allemande (+ de 9 milliards d'euros net par an pendant 7 ans) du fait du départ des Britanniques est excessive et mérite un rabais. « On ne dit plus rabais, mais système de correction permanent », euphémise un diplomate allemand.
Du côté français, on se plaint de cette inertie allemande qui refuse d'accréditer l'idée d'une Europe aux six souverainetés (géopolitique, numérique, frontière, défense, écologie, zone euro). Il est vrai que, sur maints sujets, Berlin se présente comme le talon d'Achille d'une « Europe puissance » à la Macron. Quand le chef de l'État français voudrait s'émanciper de la tutelle américaine exercée via l'Otan, la chancelière freine des quatre fers et considère, non sans raison, que l'Alliance atlantique demeure la meilleure solution actuelle à la sécurité des Européens, surtout ceux qui ont Poutine pour voisin. Quand Macron se lance, seul, dans la taxation des Gafam et prend Donald Trump de plein fouet, l'Allemagne se tient en arrière et rappelle que la France aurait dû l'écouter et s'en remettre à la négociation d'une taxe au niveau de l'OCDE... Quand l'Union européenne est tiraillée entre l'oukase de Trump sur la 5G de Huawei et les menaces de représailles chinoises, Macron fait savoir que la France n'a pas pour objectif de bloquer par principe Huawei.
Le gouvernement allemand, lui, ne s'est pas encore positionné et prend le temps d'en mesurer les conséquences eu égard à ses excédents commerciaux avec la Chine... Toujours prudente, la chancelière, face à son cadet plein de fougue. Enfin, quand Emmanuel Macron propose aux Européens (et en particulier à l'Allemagne) d'entamer un « dialogue stratégique » sur la dimension européenne de la dissuasion nucléaire française et de participer éventuellement à des exercices militaires dans ce cadre, Berlin ne saute pas sur l'occasion à pieds joints. « L'Allemagne va entrer en discussion approfondie avec la France et demande à savoir comment tout cela s'articulera avec l'Otan, » fait savoir un proche de la chancelière. Bref, piano, piano... Et pour l'Allemagne, malgré l'appui aléatoire de Trump, c'est toujours « Otan first » !
La délicate succession d'AKK ne signifie pas le départ de Merkel
Alors, Emmanuel Macron a quelques raisons de désespérer de sa « chère Angela »... Les Verts pourraient-ils proposer un meilleur partenariat pour la France ? Sur le plan militaire, rien n'est moins sûr. Les Grünen sont traditionnellement pacifistes... En revanche, ils seront probablement plus allants sur le budget européen revisité à l'aune du Pacte vert d'Ursula von der Leyen. « Il y a quelque naïveté chez le président français à croire que les Verts allemands seront nettement plus engagés à répondre à ses demandes, souligne-t-on du côté de la chancelière. Certes, si nous devons gouverner avec eux, le contrat de gouvernement comprendra une dimension européenne plus prononcée qu'aujourd'hui. Mais dans la politique allemande, il y a des grandes constantes et un écologiste allemand restera quand même dans les limites du raisonnable d'un point de vue budgétaire. »
L'autre difficulté tient dans le timing politique. Certes, AKK a renoncé à succéder à Merkel et, de ce point, c'est un soulagement pour Macron tant la ministre de la Défense n'a cessé depuis un an de rabrouer le président français. Mais la succession de Merkel peut prendre beaucoup plus de temps. À court terme, une élection se présente le 23 février à Hambourg. AKK devrait attendre le lendemain de cette élection régionale pour en dire davantage sur les conditions de sa succession à la tête de la CDU. En décembre, au congrès de la CDU, il a été convenu que le candidat qui représenterait la CDU pour l'après-Merkel ne serait pas désigné par les militants... Mais alors, comment ? AKK consulte les prétendants éventuels en espérant dégager un consensus qui éviterait une joute trop frontale qui ferait encore plus de dégâts chez les conservateurs... Parmi les prétendants dont les noms circulent, Armin Laschet, actuel ministre-président de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, est considéré comme le plus proche de Merkel. À l'opposé, Friedrich Merz, autrefois évincé par Merkel, apparaît comme le candidat le plus en rupture avec la ligne de la chancelière. Le plus jeune, Jens Spahn, 38 ans, se situe, quant à lui, sur l'aile droite des conservateurs. Certains évoquent carrément la personnalité de Markus Soder, le président de la CSU et de la Bavière...
Les Verts attendent des législatives pour peser
Quoi qu'il en soit et quel que soit le mode de désignation, le futur patron de la CDU sera vraisemblablement investi pour succéder à Merkel courant mars. Aura-t-il la patience d'attendre la fin du mandat de Merkel en 2021. On a bien vu que la stratégie d'attente d'AKK, dauphine sans sceptre, n'a pas été payante... Angela Merkel voudra-t-elle céder la place avant terme ? « En fait, elle n'est pas seule à décider. Le SPD, partenaire de la coalition, a déjà fait savoir qu'il avait signé avec Merkel et personne d'autre », souligne un proche conseiller de la chancelière. Les Verts ne pèsent pas actuellement suffisamment au Bundestag pour être le seul partenaire d'une nouvelle coalition avec la CDU-CSU... Et de toute façon, ils n'ont aucun intérêt à gouverner avant de passer par des législatives qui ont toutes les chances de les renforcer au Bundestag, voire de les propulser à la chancellerie.
En résumé, Macron attend une coalition Verts-CDU-CSU qui pourrait éventuellement advenir en 2021, à moins d'un an de la présidentielle française de 2022. Trop tard pour entreprendre de grandes choses, et le budget européen sera bouclé pour 7 ans ! Dans ces conditions, la recomposition politique du paysage allemand ne lui apporterait guère de bouffée d'oxygène pour ses hautes ambitions européennes. Naturellement, tout peut toujours se précipiter si Merkel décide elle-même de tout lâcher, ne serait-ce que pour raison de santé. Emmanuel Macron n'a par conséquent pas grand-chose à perdre à rompre le pain avec Annalena Baerbock, 39 ans, députée depuis 6 ans, diplômée de la London School of Economics, et Robert Habeck, 50 ans, ancien ministre de la Transition écologique du Schleswig-Holstein (2012-2018), docteur en philosophe et écrivain.
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«Un chancelier Vert en Allemagne, vite!» La chronique d'Eric Le Boucher
Article publié par Eric Le Boucher dans l'Opinion le 16 Février 2020 à 14h27
« La France et l'Europe se désespèrent d'attendre la vieillarde Allemagne sur tous les sujets. Angela Merkel devrait partir au plus vite »
Le monde tourne de plus en plus vite partout sauf en Allemagne, où c'est l'inverse. Etats-Unis, Italie, France, Grande-Bretagne ont élu des personnels politiques dont on pense ce que l'on veut mais qui sont neufs. Outre-Rhin, la chancelière se traîne dans son quatrième mandat. Quinze ans de pouvoir dans un pays arthrosé. Angela Merkel dont la marque restera le manque constant de vitesse et de réactivité va désormais usée, maladroite, impotente. Tout lui échappe. La croissance, le bel horizon germanique, est anémiée. La vie politique est paralysée par le cancer de l'extrême-droite. Les deux partis de la Grande coalition, la CDU et le SPD, sont en crise grave. La France et l'Europe se désespèrent d'attendre la vieillarde Allemagne sur tous les sujets. Angela Merkel devrait partir au plus vite.
Malheureusement, en Allemagne, tout est d'une lenteur anachronique. Les élections législatives n'auront lieu qu'en septembre 2021 et on imagine d'autant moins qu'elles puissent être anticipées que l'Allemagne va présider l'Union européenne au deuxième semestre de cette année. Il va falloir attendre encore deux années au moins et on comprend que pour avancer un peu vers les urgences de la souveraineté européenne, Emmanuel Macron cherche des alternatives à l'axe franco-allemand, arbre mort du seul fait de la chancelière.
Espoir. L'impatience est rougie par l'émergence de ce qui apparaît comme une solution à portée de main, et une bonne solution, pour l'Allemagne, pour la France, pour l'Europe. Robert Habeck ou Annalena Baerbock, les deux leaders du parti Vert, représentent ce neuf qui manque, articulé, réaliste et charismatique auprès des jeunes. Si l'on considère que l'écologie est en effet la priorité des temps actuels mais que la lutte contre le réchauffement climatique passe par une politique « pro-business » capable d'assurer une bonne économie laquelle financera la transition sociale très coûteuse, alors on doit penser que ces Grünen-là sont un espoir. Emmanuel Macron ne s'y est pas trompé, il a dîné avec les deux dirigeants, vendredi à Munich, où il s'était rendu pour le sommet sur la sécurité.
Robert Habeck, le plus populaire, est souvent décrit comme un Macron Vert. Intellectuel, docteur en philosophie, écrivain, cinquantaine sans cravate, il est entré en politique à seulement 30 ans pour changer les choses. Il a co-présidé le Land du Schleswig-Holstein, avant de prendre la présidence de L'Alliance 90 (les Verts) avec Annalena Baerbock en janvier 2018. Il a ce côté articulé, dans la ligne Blair-Monti-Letta-Macron, qui rassure l'establishment mais il est « en même temps » intégré dans l'époque populiste. Il critique la faiblesse du budget européen et plus largement veut redonner sa puissance perdue à la Commission, il ose se dire « patriote », il cherche à intégrer « l'émotion » et « la considération » dans son discours pour contrer les extrémistes qui en font leur lait. Il incarne globalement une ligne verte de centre-gauche.
Robert Habeck a ce côté articulé, dans la ligne Blair-Monti-Letta-Macron, qui rassure l'establishment, mais il est « en même temps » intégré dans l'époque populiste
Le parti Vert est né en Allemagne au début des années 1980, comme ailleurs, anti-nucléaire, anti-OTAN et anti-consumériste. Il fait son entrée au Bundestag en 1983 mais la priorité de l'heure était la Réunification et son influence est restée mineure. Puis elle éclôt en 1998 dans une alliance soudée avec le SPD de Gerhard Schröder. Joschka Fisher devient vice-chancelier, ministre des affaires étrangères, disrupteur avant l'heure, il soutiendra l'engagement militaire allemand au Kosovo. Fischer, ex-gauchiste, est allé beaucoup plus loin que beaucoup de ses camarades dans la realpolitik. Néanmoins, la ligne « realo » des Grünen s'est toujours confirmée. Elle restera dominante dans le parti jusqu'à aujourd'hui, à l'inverse exact de la France où la ligne gauchiste a pris largement le dessus. Les écologistes allemands participent à 11 gouvernements de région sur 16, ils ont obtenu 20,5 % des suffrages lors des dernières élections européennes. Les sondages les désignent aujourd'hui au coude à coude avec la CDU de Mme Merkel.
Confusion. Le nouveau panorama politique germanique se dessine. La Grande coalition actuelle entre la CDU et le SPD ne tient qu'à l'extrême faiblesse de ce dernier, qui s'effondrerait, comme la gauche dans toute l'Europe, en cas de nouvelle élection. L'hypothèse logique pour l'après-Merkel, fin 2021 donc, est une nouvelle coalition noire-verte (CDU-Grünen). Mais le parti conservateur est lui aussi en désarroi. Il vient de perdre sa tête de liste et candidate chancelière, Annegret Kramp-Karrenbauer, dite AKK, démissionnaire après l'alliance passée par la CDU de Thuringe avec l'extrême-droite de l'AfD. Ce départ est le signe d'une grande confusion de la ligne politique causée par l'immigration et la sécurité, les électeurs conservateurs n'ayant pas avalé le million de migrants accueillis par Angela Merkel en 2015.
La CDU s'est bloquée sur le monde d'hier, le mercantilisme industriel sous le protectorat américain, quand les défis de l'heure imposent d'avoir une réponse neuve
Mais plus largement la CDU s'est bloquée sur le monde d'hier, le mercantilisme industriel sous le protectorat américain, quand les défis de l'heure imposent d'avoir une réponse neuve – sur la défense européenne, sur la relation avec la Chine de Xi Jinping, sur la consolidation économique et technologique européenne. Dans une réponse au discours pro-européen d'Emmanuel Macron, AKK avait lâché : « Le centralisme européen, l'étatisme européen, la communautarisation des dettes, l'européanisation des systèmes de protection sociale et du salaire minimum seraient la mauvaise voie. » En clair, elle repoussait la vision fédérale française de l'Europe et considère qu'il ne fallait rien changer. En vérité, elle acceptait tout de même de discuter « de projets communs » de recherche ou de défense. Mais AKK incarnait la prolongation de l'indécision d'Angela Merkel d'une Allemagne qui voit bien la nécessité de changer mais, si confortable dans le monde d'hier, ne veut pas s'y résoudre et qui tergiverse à l'infini.
Robert Habeck, ne résout pas toutes les questions, à commencer par l'angoisse de la classe moyenne des vieux secteurs. Mais il apporte, du moins on peut l'espérer, une clarté idéologique. Il rejoint beaucoup la vision macronienne d'une société qui doit rester ouverte même si le commerce doit devenir plus local et si le salarié doit être protégé, d'une agriculture moins chimique mais productive et d'une relance européenne multi-sectorielles. Du travail doit être engagé mais l'axe franco-allemand pourrait se ressouder sur la ligne européenne privilégiant le climat, la sécurité en plus de l'économique et du social. Tandis que les discussions avec la CDU tournent en rond, il y a affaire à faire avec Habeck-Baerbock. Qu'elle dégage et qu'ils arrivent vite !
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Islam radical : la mue des Verts allemands
Article publié par Pierre Avril dans Le Figaro, mardi 17 novembre 2020.
Longtemps défenseurs d'une ligne de tolérance et de défense du multiculturalisme, les Grünen se recentrent et présentent mardi au Bundestag un plan proclamant « la tolérance zéro » à l'égard du terrorisme islamiste.
Illustration : Claudia Roth, députée des Verts, et vice-présidente du Bundestag participe, le 6 novembre, à une veille devant l'ambassade d'Autriche à Berlin, après l'attaque terroriste qui a visé Vienne, le 2 novembre.
Des digues se fissurent au sein des Grünen, cet ancien parti hippie et libertaire né dans les années 1970, qui avait fait de la tolérance à l'égard de l'islam, et la célébration du multiculturalisme, son mantra. En pleine vague d'attaques islamistes commises sur les sols autrichien, allemand et français, et alors qu'une coopération sécuritaire se dessine entre Paris, Vienne et Berlin, les Verts allemands recentrent leurs discours. Et se débarrassent de l'image islamo-gauchiste que la droite chrétienne-démocrate - avec laquelle ils pourraient bientôt gouverner - leur accole volontiers.
Le président du parti, Robert Habeck, souhaite présenter, mardi au Bundestag, un plan en onze points proclamant « la tolérance zéro » à l'égard du terrorisme islamiste. Les menaces islamistes doivent être constamment surveillées, lit-on dans le document, notamment via un renforcement des forces sécuritaires. Les mandats d'arrêt contre les individus dangereux doivent être exécutés avec plus de célérité, les associations salafistes interdites, et les flux de financement étroitement traqués.
« La menace reste élevée et nous devons agir d'une manière résolue. En disant que nous avons besoin de poursuites judiciaires accélérées et d'une tolérance zéro à l'égard des délits mineurs commis par des islamistes, nous envoyons un nouveau signal » , explique au Figaro le député écologiste Konstantin von Notz, coauteur de ce plan avec sa collègue du Bundestag, Irene Mihalic, ex-fonctionnaire de police.
L'initiative, prise à un an des élections législatives, a été saluée par le quotidien conservateur Frankfürter Allgemeine Zeitung, qui évoque un « virage à 180 degrés » de la part des Verts. « Dans le passé, les Grünen ont toujours été un peu naïfs et tolérants à l'égard du monde arabo-islamique. Ils prenaient systématiquement le parti des migrants et des réfugiés. Quand les conservateurs voulaient fermer les frontières, eux réclamaient leur ouverture. Mais cette approche commence à poser des problèmes car entre-temps, des gens indésirables sont entrés dans notre pays où ils s'y comportent d'une manière criminelle. Il était donc grand temps que le parti se rende compte de son ambivalence » , se félicite l'ancien vice-ministre Vert des Affaires étrangères, entre 1998 et 2002, Ludger Volmer.
Le 4 octobre, un Syrien de 20 ans, Abdullah Al, arrivé en Allemagne dans la vague d'immigration de l'année 2015, a tué un touriste allemand à coups de couteau de boucher. Recruteur pour l'État islamique, l'homme était connu des services de police. Quelques jours seulement après avoir purgé une peine de deux ans de prison pour faits de violences, il s'est transformé en assassin. « Ce problème de la radicalisation dans les prisons, nous devons aussi le traiter en faisant des propositions législatives » , explique Konstantin von Notz.
Officiellement, il s'agit d'abord, d'apporter une réponse policière au problème. Il n'est pas question, disent les Verts, d'emprunter la voie française qui - empreinte de son modèle laïque - traque aussi le « séparatisme islamiste » . Députée verte du quartier berlinois de Neukölln, à forte population immigrée, Susanna Kahlefeld reconnaît le « problème » posé par l'existence de « communautés musulmanes repliées sur elles-mêmes » . Elle juge néanmoins infondée le projet de la CDU d'interdire la fréquentation de la mosquée salafiste al-Nur, naguère ouverte aux prêches antisémites et à la violence djihadiste. « Il n'existe pas de bases juridiques pour une telle interdiction et le cas échéant, les gens dangereux partiront ailleurs. C'est plutôt notre appareil sécuritaire qui n'est pas assez vigilant » , estime Susanna Kahlefeld, à l'unisson du parti.
Les Verts se positionnent clairement contre toute forme d'extrémisme. Sinon nous perdons toute crédibilité. ANNA GALLINA, DÉPUTÉE VERT PRÉSIDENTE DU LAND DE HAMBOURG
Le débat n'est pas clos. Il est notamment aiguillonné par la présence, au sein du parti, d'une influente fraction de la diaspora turque. L'été dernier, la direction du parti à Hambourg a formellement exclu deux de ses élus soupçonnés de promouvoir une ligne islamo-nationaliste. L'un, Fatih Can Karismaz, avait tenu des propos favorables à la charia. L'autre, Shafi Sediqi, était accusé d'avoir soutenu l'association islamiste Ansaar International, réputée proche des milieux salafistes. « Les Verts se positionnent clairement contre toute forme d'extrémisme. Sinon nous perdons toute crédibilité » , avait justifié la patronne de la région, Anna Gallina.
Selon une ligne similaire, des élus d'origine turque hostiles au président Erdogan défendent un modèle laïc. La militante féministe écologiste Seyran Ates critique certaines prières musulmanes « identitaires » et non mixtes organisées à Berlin, soutenues à l'inverse, au nom de la liberté de religion, par des élues écolos... de confession catholique. Elle dénonce également l'imposition des menus halal dans certaines crèches. Sa collègue du Bundestag, Ekin Deligöz, a appelé ses camarades du parti à ouvrir un « débat sincère » sur « l'image réactionnaire » des nouveaux migrants à l'égard des femmes. Mais leurs positions restent minoritaires.
Sur le front sécuritaire, et à un moins d'un an des législatives, la CDU appelle les Verts à permettre l'expulsion, vers leurs pays d'origine, de délinquants issus du Maghreb. Ce que ces derniers refusent, considérant ces pays comme « non sûrs » . Ils rétorquent qu'à la différence de la CDU, ils travaillent depuis longtemps sur la question de la formation des imams. Autant de terrains que les Grünen ne veulent pas abandonner à la droite.
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Les Verts allemands, un nouveau parti de rassemblement ? Notes du Cerfa, n° 158, janvier 2021
Dans le contexte de prise de conscience accrue de la crise climatique, les élections européennes en mai 2019 ont vu les formations écologistes obtenir des résultats élevés dans de nombreux pays – 20,5 % en Allemagne, 17,5 % en Irlande, 16,0 % en Finlande ou encore 13,5 % en France – alors que, dans le même temps, la progression des partis d'extrême droite et nationaux-populistes se confirmait.
Dans un paysage politique marqué par l'effritement de la base sociale des grands partis traditionnels et la plus grande volatilité des électeurs, Bündnis 90/Die Grünen a mis le cap sur la chancellerie fédérale. Emmené par le duo charismatique Baerbock-Habeck, le parti écologiste, actuellement crédité de 20% dans les sondages, souhaite rassembler largement, au centre de l'échiquier politique, en incarnant un nouveau réalisme conçu comme alternative aux partis « populaires », les « Volksparteien ». Dans le contexte inédit de la pandémie qui génère un effet de loupe sur les principaux défis du XXIe siècle et à l'horizon de la « super année » électorale en 2021, cette note se propose d'éclairer les principales transformations de l'ancien parti contestataire et d'interroger l'impact de son ambition gouvernementale sur la base, le programme et la stratégie politiques.
Annette Lensing est Maîtresse de conférences en études germaniques à l'Université de Caen-Normandie et membre de l'Équipe de Recherche sur les Littératures, les Imaginaires et les Sociétés (EA 4254) où elle codirige un programme de recherche sur les Conceptions culturelles et politiques de la nature.
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