Café de l'Europe sur le bilan de la présidence allemande⚓
A l'occasion de la journée de l'amitié franco-allemande fêtée tous les ans le 22 janvier, la Maison de l'Europe Centre Europe Direct Limousin vous propose de participer à un web-café sur « La présidence allemande du Conseil de l'Union européenne : bilan ».
La présidence allemande du Conseil de l'Union européenne était attendue avec intérêt avec des priorités fortes telles que l'économie, l'environnement ou les relations internationales.
A l'issue de ces six mois fortement bouleversés par la pandémie du COVID19, quel bilan peut-on dresser de cette dernière présidence assurée par Angela Merckel en tant que Chancelière allemande ?
Guy Royer et Luc Fessemaz s'efforceront de répondre à cette question lors ce web-café organisé sur la plateforme numérique zoom, le vendredi 22 janvier 2021 à 17h.
Le bilan de la présidence allemande du Conseil de l'Union européenne : 1er juillet-31 décembre 2020
I. Les priorités de la présidence allemande
1. Le calendrier
A cause de la crise de la Covid, le calendrier 2020 des Conseils européens a été particulièrement chargé : alors qu'en moyenne cette institution se réunit quatre fois par an, ce n'est pas moins de 13 conseils qui ont eu lieu, six au premier semestre et sept au second pendant la présidence allemande. La rotation semestrielle de la présidence fait que dans une UE à 28 pays (aujourd'hui 27 avec le Brexit*), la présidence ne revient que tous les 14 ans. La longévité politique de la chancelière allemande au pouvoir depuis septembre 2005, fait qu'elle a pris la tête du Conseil pour la seconde fois, après l'avoir déjà exercé une première fois au premier semestre 2007. LF
* Le Royaume-Uni a renoncé à prendre en charge la présidence semestrielle tournante du Conseil de l'Union européenne en 2017 dans un contexte de sortie de l'Union européenne.
Les États membres qui assurent la présidence travaillent en étroite coopération par groupes de trois, appelés "trios". Ce système a été introduit par le traité de Lisbonne en 2009. Le trio fixe les objectifs à long terme et élabore un programme commun définissant les thèmes et les grandes questions qui seront traités par le Conseil au cours d'une période de dix-huit mois. Sur la base de ce programme, chacun des trois pays élabore son propre programme semestriel plus détaillé. Le trio actuel est composé des présidences allemande, portugaise et slovène.
Pour aller plus loin :
Le Conseil de l'Union européenne. Synthèse 21.11.2018, site Toute l'Europe. https://www.touteleurope.eu/actualite/le-conseil-de-l-union-europeenne.html
La présidence tournante du Conseil de l'Union européenne. Synthèse 04.01.2021, site Toute l'Europe. https://www.touteleurope.eu/actualite/la-presidence-tournante-du-conseil-de-l-union-europeenne.html
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2. Le contexte
Le 1er juillet 2020, l'Allemagne prend officiellement la relève de la Croatie à la présidence tournante du Conseil de l'Union européenne. Les attentes sont énormes. L'Europe est enlisée dans une pandémie mortelle. L'économie s'est effondrée et les ambitieux projets politiques de l'UE sont mis en veille.
Vu l'ampleur de la crise, seule l'Allemagne parait apte à guider l'Union européenne avec succès au cours des six prochains mois. Angela Merkel se concentre sur un objectif : sauver l'Europe de la catastrophe économique.
Pour mesurer l'ampleur du choc économique causé par la crise sanitaire consultez sur le site Eurostat le European Statistical Recovery Dashboard :
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3. Les objectifs
Placé sous le thème "Tous ensemble pour relancer l'Europe", le programme de la présidence allemande a pour objectifs :
1. la maîtrise durable de la pandémie de COVID-19 en améliorant le dispositif de gestion de crise de l'UE, notamment le suivi épidémiologique.
2. une "Europe plus forte et plus innovante" autour de deux axes, le développement de la souveraineté numérique et l'organisation d'une architecture financière durable et stable particulièrement en matière fiscale ;
3. une "Europe juste" concernant la promotion de la solidarité entre générations et l'égalité entre les femmes et les hommes ;
4. une "Europe durable" accordant la priorité à une politique climatique, environnementale et de protection de la biodiversité ambitieuse, l'alignement sur le programme de développement durable à l'horizon 2030 des Nations Unies et une agriculture durable ;
5. une "Europe de la sécurité et des valeurs communes" visant à renforcer l'état de droit et la coopération policière, judiciaire et douanière (lutte contre la criminalité transfrontière et le terrorisme), les migrations et la gestion des réfugiés appelant une réforme du régime d'aide européen commun et la mise en œuvre du nouveau mandat de Frontex ;
6. une Europe avec une capacité d'action renforcée à l'extérieur en appui au haut représentant de l'UE.
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II. Les résultats de la présidence allemande
1. Le budget pluriannuel et le plan de relance
Sur la base d'une proposition franco-allemande élaborée le 18 mai, le premier acte fort de cette présidence est l'accord intervenu à l'issue du Conseil européen du 17 au 21 juillet sur le plan de relance baptisé « Next Generation EU » et sur le cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027. De longues négociations ont permis de surmonter l'opposition de plusieurs pays du Nord dits « frugaux » Pays-Bas, Autriche, Danemark et Suède, opposés par principe aux subventions accordées sans contrôles aux pays du Sud très endettés. Ces moyens financiers aideront en priorité les pays les plus touchés par la crise, l'Italie, l'Espagne, et dans une moindre mesure la France.
Lors du treizième Conseil européen de l'année 2020, les 10 et 11 décembre, les chefs d'Etat et de gouvernement des Vingt-Sept sont parvenus à s'accorder sur le respect de l'état de droit comme condition à l'accès aux fonds européens. Surmontant le véto de la Hongrie et de la Pologne cet accord sur le mécanisme de conditionnalité a permis l'adoption finale du budget pluriannuel 2021-2027 d'un montant fixé à 1074 milliards et du plan de relance de 750 milliards d'euros, approuvés fin décembre par les États comme par le Parlement européen. Ce plan constitue une véritable révolution par son ampleur et sa nature (360 milliards de prêts, 312 milliards de subventions, 78 milliards de programmes d'investissement prévus au budget), par son financement via des emprunts de l'Union, par sa rapidité de mise en œuvre (70 % des versements intervenant en 2021 et 2022), par ses priorités axées sur la numérisation et la transition écologique ainsi que par la condition liée au respect de l'État de droit.
Cependant la question du développement de nouvelles ressources propres de l'UE afin de rembourser l'emprunt communautaire de 750 milliards d'euros n'a pas été tranchée, elle se négociera « au cours des prochaines années ».
Précisions sur le mécanisme de conditionnalité de l'accès aux fonds européens
Le nouveau budget européen innove car pour la première fois, le versement des fonds de l'UE est subordonné au respect des normes de l'État de droit. L'Allemagne s'est investie, jusqu'au dernier moment, très activement en faveur de cette conditionnalité.
Le Conseil européen a rappelé sa détermination à promouvoir et à respecter les valeurs sur lesquelles l'Union est fondée, y compris l'état de droit, telles qu'elles sont énoncées dans les traités : l'article 7 du TUE établit la procédure à suivre pour réagir aux violations des valeurs de l'Union consacrées à l'article 2.
Considérant le mécanisme de conditionnalité comme une violation de leur souveraineté nationale, la Pologne et la Hongrie ont longtemps bloqué l'adoption du budget pluriannuel en opposant leur véto.
La chancelière a démontré la faisabilité technique et juridique d'un plan de relance à 25 pays excluant la Hongrie et la Pologne, faisant plier les deux pays pour qui les fonds européens représentent près de 4% de leur PIB.
A l'issue de ce sommet, Budapest et Varsovie ont accepté un compromis avec les 25 autres Etats membres : le mécanisme de conditionnalité sera appliqué « à partir du 1er janvier 2021 » pour protéger le budget de l'Union « contre tout type de fraude, de corruption et de conflit d'intérêts », mais de manière à respecter « l'identité nationale des États membres, inhérente à leurs structures politiques et constitutionnelles fondamentales ».
Pour déclencher le mécanisme de conditionnalité, il faudra prouver "un lien de causalité direct et dûment établi entre les entorses à l'état de droit constatées et les conséquences néfastes de ces dernières pour les intérêts financiers de l'Union". Si ce lien venait à être prouvé, la Cour de justice de l'Union européenne serait alors saisie.
Le compromis trouvé par la présidence allemande est critiqué car en autorisant la Hongrie et la Pologne a déposer des recours devant la CJUE, les deux gouvernements pourront gagner du temps jusqu'en 2022 ou 2023, compte tenu de la lenteur des décisions de justice. Ce n'est qu'après validation par la CJUE que le mécanisme pourra s'appliquer.
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2. La lutte contre la Covid-19
Les compétences de la Commission européenne en matière de santé sont limitées car chaque pays est responsable de l'organisation et du financement de son propre système de santé.
Pendant sa présidence du Conseil, l'Allemagne a pu renforcer la coordination de la lutte contre la pandémie au sein de l'UE grâce à une carte européenne du risque, à une réglementation uniforme pour l'entrée des personnes en provenance de pays tiers sur le territoire de l'UE et par des travaux communs sur des stratégies de test et de traçage des contacts. Depuis le début de l'épidémie de coronavirus, l'Allemagne a accueilli et traité plus de 260 malades en soins intensifs venus de pays voisins et elle a également fourni une importante aide matérielle, comme des masques et des respirateurs, à des pays partenaires membres de l'UE.
L'UE a fait front contre la Covid-19 en prenant la direction de la négociation avec les laboratoires pharmaceutiques pour sécuriser et organiser l'approvisionnement en vaccins en concluant plusieurs contrats d'achat.
C'est aussi grâce à l'action de nombreux scientifiques européens et à la recherche européenne qu'un vaccin a pu être mis au point, acheté et distribué en un temps record. Le vaccin de Pfizer-BioNTech a été autorisé par l'agence européenne, le 21 décembre et celui du laboratoire américains Moderna le 6 janvier 2021. La campagne de vaccination contre le coronavirus a démarré ensemble le 27 décembre dans l'UE, mais avec des rythmes variables... Tous les citoyens de l'UE auront alors la possibilité de se faire vacciner ce qui constitue une étape décisive vers la sortie de la pandémie.
Le Conseil européen a souligné qu'il était important de fournir des informations factuelles claires sur les vaccins et de lutter contre la désinformation ainsi que de traiter la vaccination comme un bien public mondial.
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3. La transition climatique
Cinq ans après l'accord de Paris et un an après la présentation du Pacte vert pour l'Europe par la Commission, les Vingt-Sept ont entériné un des objectifs majeurs de la politique environnementale européenne : le seuil d'émission carbone auquel le continent doit se situer en 2030.
Initialement, la Commission s'était fixée un objectif de 40% de réduction de ces émissions carbone par rapport au niveau constaté en 1990. Alors que le Parlement européen s'était prononcé pour porter cette réduction à 60% . La Commission ayant revu ses objectifs à la hausse en proposant 55% , les Vingt-Sept, eux, se sont donc rangés à l'avis de l'exécutif européen. La décision sera inscrite dans la loi climat et deviendra juridiquement contraignante, une fois validée par le Conseil de l'UE et le Parlement européen.
En cohérence avec le « Pacte vert », 30 % du plan de relance et du budget pluriannuel de l'Union doivent être consacrés à des dépenses qui favorisent la transition climatique.
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4. La transition numérique
La pandémie de Covid-19 a accéléré la transformation numérique dans de nombreux domaines de la vie à une vitesse vertigineuse. Le télétravail fait partie de la vie quotidienne, les écoles inventent de nouvelles méthodes d'apprentissage et d'enseignement numériques. Si la numérisation recèle des dangers, elle ouvre aussi de nouvelles voies et possibilités.
Les dirigeants de l'UE ont discuté de la transformation numérique lors de la réunion extraordinaire du Conseil européen des 1er et 2 octobre 2020. Pilier essentiel de la relance de l'UE après la COVID-19, la transformation numérique est primordiale pour favoriser de nouvelles formes de croissance et renforcer la résilience de l'UE.
Les dirigeants ont invité la Commission à présenter, d'ici mars 2021, une "boussole numérique" sur les ambitions numériques concrètes de l'UE à l'horizon 2030. Ils ont convenus qu'au moins 20 % des fonds pour la reprise seraient mis à disposition pour la transition numérique, y compris pour les PME. Ces fonds devraient contribuer à la réalisation d'objectifs consistant notamment à:
• promouvoir le développement au niveau européen de la prochaine génération de technologies numériques (supercalculateurs, informatique quantique, intelligence artificielle)
• renforcer les capacités au sein des chaînes de valeur numériques stratégiques (microprocesseurs)
• accélérer le déploiement d'infrastructures de réseau sûres et à très haute capacité (fibre et la 5G)
• renforcer la capacité de l'UE à se protéger contre les cybermenaces
• libérer tout le potentiel des technologies numériques pour atteindre les objectifs ambitieux de l'UE en matière d'environnement et d'action pour le climat
• renforcer les capacités numériques dans les systèmes éducatifs
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5. La politique extérieure
Le multilatéralisme, la démocratie, les échanges commerciaux ouverts constituent les principes de base de l'UE.
Pendant sa présidence l'Allemagne s'est impliquée pour consolider la souveraineté européenne considérant que les États-nations, face à la compétition entre les grandes puissances, ne peuvent plus imprimer seuls leur marque sur l'ordre mondial. Dans le domaine de la politique de sécurité, elle a initié la création d'une sorte de « boussole stratégique » : en s'appuyant sur une analyse des menaces, les États-membres de l'UE ont des échanges sur des questions précises de sécurité et de défense et adoptent un cap commun.
Les conflits ne pouvant se résoudre uniquement par des moyens militaires. Dans un souci de paix durable, l'Allemagne a renforcé la gestion civile des crises, élément central de la politique étrangère et de sécurité commune de l'UE, en créant à Berlin le Centre d'excellence européen pour la gestion civile des crises.
5.1. Relations avec la Turquie : la carotte et le bâton.
Un rappel des faits concernant la politique extérieure de la Turquie s'impose : invasion du Nord de la Syrie contre les Kurdes en octobre 2019, intervention en Libye en janvier 2020, chantage aux migrants à la frontière grcque en mars 2020, tension en méditerranée quand un navire de forage turc navigue dans les eaux grecques accompagné de navires de guerre en août 2020, soutien à la guerre de l'Azerbaïdjan contre l'Arménie au Haut-Karabagh en octobre 2020. Un résumé des principaux faits accomplis d'une politique expansionniste combinant provocations et agressions...
A l'issue du Conseil européen des 1er et 2 octobre 2020, les 27 ont proposé au président turc une négociation plus large et un « agenda positif » en échange d'un arrêt de ses ingérences en Méditerranée orientale.
Le Conseil européen, a adopté une position équilibrée à l'égard de la Turquie et de ses ingérences dans les zones économiques exclusives grecques et chypriotes : les activités illégales des bateaux turcs doivent cesser, et, en contrepartie, un dialogue constructif pourra s'ouvrir dans le cadre d'une « conférence multilatérale sur la Méditerranée orientale » portant sur les « délimitations maritimes, la sécurité, l'énergie, la migration et la coopération économique ».
Après plusieurs semaines de délibération, pour la première fois l'UE adopte une stratégie unique sur l'ensemble des dossiers liés à la Turquie. Celle-ci résulte d'un compromis entre les 27 qui ont des positions diverses sur le sujet : l'Allemagne, du fait de son importante diaspora turque et du poids de ses relations économiques avec la Turquie , a tendance à temporiser. Il en est de même pour l'Espagne et l'Italie dont les banques sont fortement engagées. Les pays de l'Europe de l'Est sont plus préoccupés par les menaces de la Russie et d'une reprise d'une migration musulmane en cas de rupture avec Erdogan. En faveur de sanctions dures envers la Turquie on trouve la Grèce et Chypre directement confrontés aux provocations turques et la France et l'Autriche.
L'équilibre trouvé début octobre repose sur des sanctions éventuelles sans se montrer trop menaçant pour ne pas rompre le fil du dialogue entre Athènes et Ankara tissé sous les bons offices de la présidence allemande.
La Turquie aurait intérêt à négocier car actuellement l''application mécanique du droit de la mer en mer Égée lui est injustement défavorable. La position de la Grèce est légale mais inique, car le droit de la mer instaure, de fait, la mer Égée en lac intérieur grec. Un rééquilibrage est nécessaire, mais la méthode ne peut être celle du fait accompli. En acceptant la négociation, Erdogan est certain d'obtenir quelque chose et les Grecs, de concéder du terrain.
Le Conseil européen propose à la Turquie un « agenda positif » avec la modernisation de l'accord d'union douanière en vigueur depuis 1963, une facilitation des voyages et la poursuite de la coopération migratoire. Il n'est plus question d'adhésion à l'UE, même si les négociations ne sont pas officiellement fermées.
Les conclusions du Conseil appellent également à la reprise des négociations entre Chypre et la Turquie sous les auspices de l'ONU. la partie nord de l'ïle est occupée par l'armée turque depuis l'invasion de 1974. Pour satisfaire les Chypriotes, les Européens se sont accordés sur un calendrier précis : pas de sanction si aucune nouvelle agression turque n'est enregistrée avant un nouveau point d'étape, lors du sommet européen de la mi-décembre.
"Nous avons encore une chance de réorienter nos relations. L'UE tend ouvertement la main à la Turquie en espérant qu'elle la saisira.", extrait d'un article du blog de Josep Borell du 18/12/2020.
5.2. Les sanctions contre la Biélorussie
Le Conseil européen a réussi à lever le blocage du président chypriote qui exigeait des sanctions immédiates contre la Turquie. Cela a permis de prendre des sanctions individuelles contre une quarantaine de personnes responsables des manipulations électorales et des violences en Biélorussie. Pour le moment, le président Loukachenko est épargné pour lui permettre ne pas perdre la face et de rester un interlocuteur dans l'espoir de faciliter une solution pacifique vers de nouvelles élections. Si le régime accepte le jeu démocratique, l'UE proposera un plan de soutien économique à la Biélorussie.
5.3. Les relations avec la Russie
Après des années d'équilibre entre pression et dialogue avec la Russie, l'Allemagne engage de plus en plus la confrontation. Un changement d'attitude i suite au meurtre d'un Tchétchène au Tiergarten de Berlin en août 2019 et à l'affaire Alexei Navalny ou l'opposant politique russe empoisonné au Novitchok a été accueilli à l'hôpital de la Charité de Berlin. En conséquence, à Bruxelles, la présidence allemande au Conseil de l'UE a fait adopter des sanctions contre des proches de Vladimir Poutine, soupçonnés dans l'affaire Navalny.
La Russie est déjà depuis 2014 sous un régime de sanctions économiques de la part de l'UE, en réponse à l'annexion de la Crimée et la déstabilisation de l'Ukraine. Depuis lors, ces sanctions sont régulièrement reconduites tous les six mois, mais on peut s'interroger sur leur efficacité.
Par ailleurs, le gouvernement allemand réfléchit à mettre un terme à la construction du gazoduc Nord Stream 2 engagée en juin 2015 en mer Baltique et à l'arrêt depuis plusieurs mois en raison des menaces de sanctions américaines.
5.4. Les relations avec la Chine
Un sommet avec les dirigeants des 27 pays et ceux de la Chine devait se tenir mais n'a pu avoir lieu à cause de la Covid. Cependant un accord de principe d'ouverture mutuelle des marchés a été conclu le 30 décembre, clôturant des négociations qui duraient depuis 2013 et qui se sont intensifiées sous la présidence allemande en profitant de la transition de pouvoir au sein de l'administration américaine. L'accord devrait permettre un meilleur accès des investissements européens au marché chinois et des conditions de concurrence plus équitables, mais les concessions de Pékin sur le travail forcé sont limitées car la Chine s'est seulement engagée à faire des efforts pour à ratifier les conventions fondamentales de l'OIT (liberté d'association et de syndicat).
5.5. Les limites de la politique européenne
Manfred Weber, le chef du groupe PPE au Parlement européen, est déçu par les résultats du dernier sommet de décembre. Il espère que des sanctions sévères seront imposées à la Turquie en mars, si Erdogan ne répond pas à la nouvelle demande de dialogue. "Le Conseil de l'UE a pris une décision contre la Turquie, mais pas assez ferme. La crédibilité de l'Union européenne est donc en jeu. Il est évident que le processus de décision à l'unanimité au sein du Conseil européen bloque tout le pouvoir de l'Union européenne. C'est la même chose dans le cas de la Turquie. Des intérêts individuels bloquent l'entente générale pour aller plus loin. C'est la même chose pour le Belarus, la même chose pour d'autres questions".
« L'absence de volonté de puissance risque de créer de graves dommages aux Européens ». « La grande faiblesse de l'Union, c'est d'avoir été conçue pour le dialogue. C'est une machine à compromis qui sait mieux obtenir des accords que pratiquer les rapports de force ». INTERVIEW. Le président de la Fondation Robert Schuman, Jean-Dominique Giuliani, décrypte le dernier Conseil européen, historique à bien des égards.
Propos recueillis par Emmanuel Berretta. Publié le 14/12/2020 à 09:00 | Le Point.fr
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6. La conclusion d'un accord sur le Brexit
La présidence allemande a accompagné la conclusion in extremis d'un accord sur le Brexit le 24 décembre 2020. En moins d'un an de négociations intensives, les relations futures entre l'UE et le Royaume-Uni ont été complètement redéfinies. Les intérêts économiques européens sont préservés et l'accès des entreprises britanniques au grand marché reste subordonné au respect des normes et des règles de l'Union. Au cours des négociations, Boris Johnson avait dû renoncer à remettre en cause l'accord de séparation au risque de rallumer la guerre civile en Irlande du Nord.
L'accord de partenariat est entré en en vigueur provisoirement le 1er janvier 2021 afin de laisser du temps au Parlement européen pour l'approuver.
Il s'agit d'un accord de libre-échange, qui ne prévoit ni droits de douane, ni quotas, et évite ainsi de créer d'importants obstacles au commerce.
Les deux parties sont convenues d'un nombre considérable de règles destinées à garantir une concurrence équitable. Un cadre a été fixé pour une coopération future dans de nombreux autres domaines : les services, les qualifications professionnelles, les marchés publics, les questions environnementales et énergétiques, le transport aérien, maritime et ferroviaire, et les réglementations en matière de sécurité sociale, de recherche et de développement, la justice et des affaires intérieures.
L'accord ne contient malheureusement pas de cadre de coopération en matière de politique extérieure et de sécurité. L'UE et le Royaume-Uni restent cependant d'importants partenaires au sein de l'OTAN, de l'OSCE et des Nations Unies.
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7. Le bilan européen de la chancelière Angela Merkel
Arrivé au pouvoir en septembre 2005, La longévité politique exceptionnelle d'Angela Merkel fait que la chancelière allemande aura dirigé deux fois la présidence tournante du Conseil de l'Union européenne : au premier semestre 2007 et au second semestre 2020.
On peut avancer que cette dernière présidence conduite dans un contexte très difficile de crise sanitaire et économique, d'attentats terroristes et de tensions diplomatiques est un succès, ceci à moins d'un an de la fin de sa carrière politique lors du renouvellement du Bundestag en septembre 2021.
Le slogan choisi pour cette seconde présidence « Tous ensemble pour renforcer l'Europe » est le contrepied de l'approche unilatérale des Etats-Unis de Donald Trump.
La chancelière a longtemps été accusée de ne pas avoir de vision sur l'avenir de l'Europe et d'en freiner les projets de réforme.
Le plan de relance économique lancé le 18 mai par le couple franco-allemand marque un tournant fondamental dans la politique européenne de l'Allemagne fondée depuis toujours par la rigueur budgétaire. Pour la première fois la chancelière, contre l'avis de son parti et de l'opinion publique allemande, a soutenu l'idée d'une mutualisation des dettes portée par une majorité des États européens et a réussi à convaincre les pays dits « frugaux » (Pays-Bas, Danemark, Suède et Autriche) lors du Conseil européen du 17 au 21 juillet 2020.
Il faut se souvenir qu'au moment de la crise grecque, en 2010, le gouvernement d'Angela Merkel et son ministre des finances Wolfgang Schäuble, avaient refusé de faire payer les contribuables allemands pour sauver Athènes. Jusqu'ici, l'UE n'avait aidé la Grèce, le Portugal ou l'Irlande qu'en leur prêtant de l'argent, qui devait être remboursé, et qui était assorti de strictes conditions sur les réformes à effectuer. Il n'était question ni de subventions, ni d'emprunts collectifs.
Derrière cette approche plus solidaire de l'Allemagne il y a aussi l'intérêt pour son économie de ne pas subir l'effondrement du marché unique où se trouvent ses principaux clients.
Tous les chantiers de réforme n'ont cependant pas été couronnés de succès : les relations avec la Turquie n'ont pas pu être améliorées, le début des négociations d'adhésion avec la Macédoine du Nord et l'Albanie a échoué en raison du veto de la Bulgarie, les sommets prévus avec la Chine et l'Union africaine ont dû être annulés, la "conférence sur l'avenir de l'UE" censée pousser les réformes n'a pas pu démarrer, la réforme de la législation sur la migration et l'asile sera transmise à la prochaine présidence portugaise car ici aussi, ce sont principalement la Hongrie et la Pologne qui bloquent. D'une façon générale, le processus de décision est trop souvent bloqué par les décisions à l'unanimité, il faudrait davantage de décisions à la majorité qualifiée.
Avec la sortie du Royaume-Uni de l'UE et l'affaiblissement des grands pays du Sud de l'Europe, dont la France, l'Allemagne est plus que jamais la puissance dominante en Europe mais la présidence allemande d'Angela Merkel s'est inscrite dans une logique de médiation discrète et efficace. LF
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8. Le passage de relais au Portugal
"Il est temps de passer à l'action, de mettre sur le terrain les instruments dont nous nous sommes dotés : le plan de vaccination à l'échelle européenne et les plans de relance nationaux" . Déclaration du premier ministre Antonio Costa.
• En coordination avec la Commission européenne, dirigée par l'Allemande Ursula von der Leyen, Lisbonne devra continuer de concerter les mesures sanitaires des 27, qui réagissent en ordre dispersé à chaque vague de l'épidémie malgré les progrès réalisés depuis l'arrivée du coronavirus.
• Première priorité du semestre portugais, l'adoption des différents plans de relance nationaux qui, selon Lisbonne, doivent favoriser "une reprise économique et sociale qui aura pour moteurs les transitions climatique et numérique".
• Afin de "garantir que cette double transition soit une occasion pour tous", le Portugal souhaite organiser un "sommet social" les 7 et 8 mai à Porto, pour développer les droits sociaux des Européens.
• Troisième priorité portugaise, la réalisation d'un sommet UE-Inde, également à Porto, censé contribuer au "renforcement de l'autonomie stratégique" de l'UE. Cette rencontre avec le Premier ministre indien Narendra Modi devrait permettre de "diversifier" les partenaires dans un contexte de rivalité croissante entre la Chine et les Etats-Unis.
• Si la présidence portugaise pourrait bénéficier de l'arrivée à la Maison Blanche du démocrate Joe Biden, moins hostile à l'UE que Donald Trump, elle devra transformer l'essai après la conclusion mercredi 30 décembre avec la Chine d'un accord "de principe" très controversé sur les investissements.
• Elle devra également accompagner la mise en œuvre de l'accord de libre-échange conclu entre l'UE et le Royaume-Uni pour encadrer leurs relations commerciales après le Brexit.
• Un autre dossier épineux que le Portugal doit au moins faire avancer concerne le nouveau Pacte migratoire présenté par la Commission en septembre et qui divise profondément les 27 pays.
Extrait d'un article publié dans Le Monde avec AFP | 01/01/2021