Tableau de la population mondiale
Afrique de l'Ouest
Afrique de l'Ouest méridionale (9 pays) | Afrique de l'Ouest septentrionale (7 pays) |
Au Sahel, la croissance résiste malgré tout
En dépit de la dégradation de la situation sécuritaire, le PIB par tête augmente plus vite dans cette région que sur le reste du continent.
Article publié par Marie de Vergès dans le Monde, jeudi 16 janvier 2020.
Quelle région d'Afrique va connaître, en 2020, la croissance la plus rapide ? La réponse en déroutera plus d'un puisqu'il s'agit du Sahel, une zone du continent dont l'actualité est avant tout marquée par la dégradation de la situation sécuritaire. Un nouvel ouvrage intitulé L'Economie africaine 2020 (éd. La Découverte), présenté jeudi 16 janvier par l'Agence française de développement (AFD), souligne que le produit intérieur brut (PIB) de ce vaste territoire allant de l'océan Atlantique au lac Tchad – selon la définition géographique fixée par les auteurs – devrait progresser de 5,9 % cette année. Un rythme nettement supérieur à la moyenne continentale de 3,8 %.
Article réservé à nos abonnés Lire aussi Une décennie prometteuse pour l'Afrique ?
« Le prisme sécuritaire fausse un peu notre vision, a insisté Rémi Rioux, directeur général de l'AFD, l'opérateur qui orchestre le déploiement de l'aide publique au développement. Il faut regarder le Sahel dans toutes ses dimensions. Bien sûr que le sujet sécurité est majeur, mais il y a également d'autres déterminants. »
Plusieurs raisons permettent d'expliquer cette trajectoire de croissance. Tout d'abord, d'importantes zones sahéliennes demeurent épargnées par les violences. En particulier le Sénégal, qui figurait ces cinq dernières années parmi les vingt économies les plus dynamiques au monde. Cette année encore, le pays devrait enregistrer une croissance de 6,8 %.
Ensuite, des filières clés pour la région bénéficient de cours avantageux sur les marchés mondiaux. C'est le cas avec le fer en Mauritanie ou l'or au Burkina Faso. Quant à l'agriculture, essentielle en termes d'emplois et de création de valeur, elle profite actuellement d'une bonne pluviométrie. Comme le soulignent les auteurs de l'ouvrage, « les pays sahéliens bénéficient sans doute également d'un effet de rattrapage économique depuis les années 2000, après des décennies 1980 et 1990 difficiles ».
Industrie inexistante
En 2019 déjà, le Sahel avait enregistré le taux de croissance le plus dynamique du continent. Fait encore plus notable, malgré une démographie très soutenue – le nombre moyen d'enfants par femme (5,7) y est le plus élevé d'Afrique –, la croissance du PIB par habitant y est plus forte que dans les autres régions africaines.
Pour autant, ce constat ne doit pas masquer les difficultés d'une zone qui demeure l'une des plus pauvres et fragiles du continent en termes de développement. L'industrie y est inexistante et l'agriculture, essentiellement familiale, vit sous la menace du changement climatique. Le revenu par habitant des 102 millions de Sahéliens est deux fois plus faible que dans les pays du golfe de Guinée.
Lire aussi « La guerre au Sahel ne peut être gagnée par une force occidentale »
Enfin, la recrudescence des attaques terroristes et des conflits intercommunautaires pèse lourd. Le secteur des mines n'est pas à l'abri du risque djihadiste, comme l'a prouvé en novembre, au Burkina Faso, l'attaque qui a visé un convoi de la société canadienne Semafo, faisant 40 morts.
« La situation sécuritaire a des impacts évidents, à la fois en termes humanitaires, de destruction d'infrastructures, mais aussi sur les recettes publiques », énumère Yasmine Osman, économiste à l'AFD. Un rapport publié par le Fonds monétaire international (FMI) à l'automne 2019 soulignait que le Mali, le Niger et le Burkina Faso, les trois pays les plus touchés par les violences, consacraient à leurs dépenses militaires l'équivalent de 4 % de leur PIB, soit un cinquième de leurs recettes fiscales. Autant d'argent que ces pays ne peuvent affecter à la santé, à l'éducation ou au développement d'infrastructures.